Dans la soirée du 7 novembre, Marouane Mabrouk et Abderrahim Zouari, plusieurs fois ministre sous le même président déchu et vice-président de Stafim, ont été tous les deux mis à garde à vue. Et ce dans le cadre de deux enquêtes distinctes pour des soupçons de corruption financière. Une simple coïncidence?
Ainsi, un mandat de dépôt de cinq jours renouvelables a été émis mardi 7 novembre 2023 à l’encontre de Marouane Mabrouk, 51 ans.
S’exprimant mardi 7 novembre sur les ondes de Mosaïque FM, le porte-parole du Tribunal de première instance, Mohamed Zitouna, a indiqué que suite à une plainte déposée par le chargé du contentieux de l’Etat, l’homme d’affaires a été placé en garde à vue pour une durée de cinq jours. Et ce, « pour le délit d’un fiduciaire saisissant les fonds d’une entreprise au capital de laquelle l’Etat contribue directement ou indirectement ». Il s’agit, selon toute vraisemblance, du groupe alimentaire Saïda (gâteaux, chocolats).
« Arrestation chaotique et injustifiée »
« Il s’agit d’une arrestation chaotique et injustifiée ». Ainsi, réagissait Maître Lamjed Nagati qui précisait, mercredi 8 novembre 2023 sur les ondes d’IFM, que son client a été placé en garde à vue car il est accusé d’avoir géré des entreprises saisies par l’Etat; « et non en vertu de la loi de lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent ».
En outre, l’invité de Borhan Bsaiess a relevé que la saisie des biens de Marouane Mabrouk décidée en 2012 avait porté sur l’intégralité de ses avoirs, à l’exception de sept entreprises. L’expertise menée par l’Etat, en ce temps-là, avait conclu que « l’origine de ces sept entreprises en question était légitime et justifiée ».
« Mon client n’est pas en train de se remplir les poches, s’est écrié maître Nagati […] Il n’a reçu aucun millime, car il existe un conflit avec l’Etat ». Avant de conclure que « la situation d’hier est synonyme de désordre et d’abus ».
Adhésion à la réconciliation fiscale
Pourtant, note l’avocat, Marouane Mabrouk avait adhéré au processus de réconciliation fiscale depuis plusieurs mois. « Nous avancions sur la bonne voie. La Commission de conciliation a nommé des experts. Nous avons déposé un recours gracieux visant le résultat de l’expertise […] Il n’y a pas de 3 000 milliards; mais la somme demandée par ladite commission est inférieure à 800 millions de dinars ».
En effet, il s’avère que Marouane Mabrouk avait sollicité dès juillet 2023 la Commission de réconciliation pénale. Une institution créée par le président de la République Kaïs Saïed en mars 2022, dans le souci de renflouer les caisses de l’Etat. Ainsi, celle-ci prévoit, sur la base du volontariat, l’abandon des poursuites judiciaires. Et ce en contrepartie du versement par les auteurs de crimes économiques de pénalités ou la réalisation de grands projets, notamment dans les régions déshéritées.
Une fortune mal acquise?
A cet égard, notons que le groupe Mabrouk, un fleuron familial dont le chiffre d’affaires en 2015 dépasse les trois milliards de dinars et qui emploie directement plus de 25 mille personnes, se situe au deuxième rang des groupes privés familiaux. Il est principalement implanté dans les secteurs de l’agroalimentaire (Sipca, Saïda), de la grande distribution (Géant-Casino, Monoprix), de l’automobile, des télécommunications (Orange), de l’hôtellerie et de la banque (Biat).
Le fondateur, Ali Mabrouk, avocat de formation, commence à diversifier ses activités à la fin des années 1940. Entrés dans le groupe respectivement en 1988, 1991 et 1997, ses trois fils, Mohamed Ali, Ismaïl et Marouane, poursuivent l’œuvre de leur père après sa mort en 1999, en intensifiant la diversification et le développement du groupe.
A partir de 2005, le groupe Mabrouk acquiert des titres de la Banque internationale arabe de Tunisie (BIAT), cotée à la Bourse de Tunis. Après la cession d’une partie de ses activités agroalimentaires à Mondelēz International en 2005, le groupe investit dans la BIAT en rachetant des titres à Morgan Stanley, au fonds Blakeney Management, à la Banque populaire et à différents actionnaires tunisiens, devenant ainsi l’actionnaire de référence de la BIAT en 2007, avec 40 % du capital, et dotant la banque d’un actionnariat stable, à l’abri d’une OPA, et très majoritairement tunisien.
Un argument que la défense de Marouane Mabrouk fera valoir pour tenter de démontrer que la fortune du groupe a été constituée avant que leur client ne devienne un temps le gendre du défunt président Ben Ali en 1996.
Reste à savoir s’il n’était pas plus judicieux de récupérer la bagatelle de 800 millions de dinars avant l’expiration du mandat de la Commission de la réconciliation pénale le 11 novembre 2023 au lieu de jeter l’intéressé en prison? A moins que ladite Commission ne fasse pression sur l’intéressé avant cette date fatidique.