Dans le cadre du programme Intégré de Résilience aux Catastrophes (ResCat), trois sites pilotes ont été choisis pour installer le système d’alerte précoce (SAP), a fait savoir, jeudi 9 novembre, Ahmed Hmam, directeur général de l’Institut national de la météorologie (INM).
Lors d’une conférence organisée à Tunis par la Banque mondiale sous le thème « Risques climatiques et de catastrophes en Tunisie : renforcer la résilience par les systèmes d’alerte précoce (SAP), Hmam a indiqué que le SAP sera installé, dans un premier temps, sur le Grand Tunis, à Ghardimaou et à Kébili, puis sera généralisé sur l’ensemble du pays.
Selon le responsable, ces sites ont été choisis compte tenu de leur forte exposition aux risques climatiques.
« Le Grand Tunis enregistre plusieurs inondations outre les incendies de forêts. Kébili est connue par les tempêtes de sable et les canicules. Alors qu’à Ghardimaou il y a des chutes de neige, des inondations et des incendies de forêt », a précisé Hmam.
2022-2027
« Lancé en 2022, le programme ResCat se poursuit jusqu’à 2027 et vise à renforcer la gestion et le financement des risques de catastrophes en Tunisie », a souligné, pour sa part, Alexandre Arrobbio, représentant résident de la Banque mondiale en Tunisie.
« Il s’agit également d’améliorer la protection des populations et des biens cibles contre les catastrophes et les événements induits par le changement climatique », a-t-il ajouté, rappelant que le ResCat est cofinancé par la Banque mondiale et l’agence française de développement moyennant un prêt d’un montant de 100 millions de dollars.
« En effet, suite aux inondations survenues dans le gouvernorat de Nabeul en 2018 et ayant impacté directement ou indirectement plus de 500 mille personnes, le gouvernement tunisien a voulu apporter une réponse forte à cette problématique et la banque mondiale l’a appuyé dans ce domaine par le lancement du programme ResCat », a-t-il indiqué.
Selon Arrobbio, ce programme vise également à promouvoir la coordination interministérielle et institutionnelle.
Il a, par ailleurs, signalé que les SAP seront mis en place pour couvrir une multitude de risques faisant remarquer qu’un récent rapport de la Banque mondiale estime que les inondations entraînent à elles seules une perte annuelle moyenne de 40 millions de dollars en Tunisie.
Dans ce sens, il a souligné que le coût de l’inaction climatique s’élèverait à 23 milliards de dinars tunisiens par an et atteindrait 6% du PIB d’ici 2050.
« Toutefois, la Tunisie a préféré agir et placé la résilience aux catastrophes dans ses priorités », a affirmé Arrobbio, soulignant l’engagement de la banque mondiale à appuyer le gouvernement tunisien en faveur de la résilience aux catastrophes.
Une plateforme pour tous les intervenants
De son côté, Hakim Gabtni, professeur de l’enseignement supérieur en géosciences, directeur général du Centre de recherches et des technologies des eaux (CERTE) et représentant du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique au niveau du SAP, a souligné l’importance de mettre en place une plateforme qui regroupe tous les intervenants afin de faciliter la coordination et garantir l’accès rapide à une information fiable.
« Le gestionnaire de la crise ne peut intervenir efficacement qu’en analysant une information fiable et rapide », a-t-il dit, appelant à impliquer davantage les chercheurs afin de profiter de leurs travaux dans ce domaine. « Il faut placer la recherche scientifique au cœur de ce système d’alerte et de prévention », a-t-il dit.
Selon Gabtni, la recherche scientifique montre aujourd’hui que les modèles prévisionnels peuvent être changés à tout moment.
« Par exemple les inondations de Derna en Libye, qu’on croyait millénaires, ont montré qu’elles peuvent être centenaires et on peut avoir plusieurs évènements qui s’enchainent vu le réchauffement des mers », a-t-il expliqué.
Et d’ajouter « La Tunisie se trouve aussi dans la région du Maghreb et il y’a donc le risque sismique. On a vu récemment au Maroc, dont l’activité sismique est considérée modérée comme en Tunisie d’ailleurs, un séisme est survenu dans une région montagneuse, reculée au niveau d’une grande faille qu’on croyait presque inactive et donc ça remet en cause les cartes préparées par les autorités et par les scientifiques ».
D’après Gabtni, toutes les recherches montrent aussi que la qualité des eaux (de surface ou profondes et souterraines) s’est dégradée aujourd’hui en Tunisie.
« Les insecticides et les médicaments peuvent aujourd’hui causer des problèmes au niveau de la population et on peut avoir des foyers de pollution et d’infection », a-t-il indiqué, soulignant la nécessité d’appliquer les codes et la règlementation au niveau des stations d’épuration et de rejet.
Mise en place des SAP
Pour l’ensemble de ces risques, il faut coordonner les efforts tant au niveau national qu’international et exploiter l’intelligence artificielle.
« Aujourd’hui on peut mettre des instruments pour voir s’il y a un déplacement au niveau du sol et c’est relié au satellite donc l’information est disponible à temps et on peut aussi mettre des capteurs et avoir des stations météorologiques de haute performance », a-t-il ajouté.
Sur la base de l’initiative des Nations unies « Alertes précoces pour tous », de la feuille de route pour le « Renforcement des services météorologiques, hydrologiques et climatiques en Tunisie » publiée par la Banque mondiale en 2022, et des résultats préliminaires et du plan d’action pour le renforcement de la préparation aux catastrophes de la Tunisie dans le cadre du ResCat, la conférence vise à fournir une vue d’ensemble des principaux défis et des solutions innovantes pour la mise en œuvre du SAP.
Elle servira également de coup d’envoi au groupe de travail tunisien sur les SAP, qui guidera l’opérationnalisation d’un SAP national intégré multi-aléa sous la direction de l’Institut national de météorologie (INM) et de l’Office national de la protection civile (ONPC).
Avec TAP