A un an de la date de la prochaine élection présidentielle de décembre 2024, le président algérien Abdelmadjid Tebboune nomme son directeur de cabinet au poste de Premier ministre. Avec une double mission : débarrasser l’économie nationale de la pesanteur étouffante de la bureaucratie et préparer le terrain à un deuxième mandat présidentiel.
L’ancien Premier ministre algérien Aymen Benabderrahmane savait depuis septembre dernier que ses jours au palais Saâdane étaient comptés. Mais, la participation du président Abdelmadjid Tebboune à la 78ème Assemblée générale de l’ONU, ainsi que la présentation de la Loi de finances 2024 devant l’Assemblée nationale avaient retardé sa disgrâce qu’il savait imminente. Et pour cause.
Courroux présidentiel
Car, le mécontentement du chef de l’Etat algérien du rendement de l’équipe gouvernementale était tel, que, fait rare et inédit, dans un éditorial publié en janvier 2023 par l’agence officielle APS et intitulé « Le président Tebboune hausse le ton » l’auteur révélait que le locataire du palais d’El Mouradia était excédé par : « la bureaucratie »; la « culture de la passivité »; les « échéances très élastiques »; les « chiffres approximatifs »; et les décisions « qui perturbent le quotidien des citoyens et celui des opérateurs économiques ». Terrible constat.
En effet, M. Tebboune qui fêtera en décembre prochain le quatrième anniversaire de son accession au pouvoir, ne manquait pas une occasion, surtout en privé, de critiquer sévèrement son Premier ministre. En réalité, et eu égard à la présidentialisation excessive du régime algérien, un simple « coordinateur » du programme présidentiel. Il lui imputait toutes les difficultés du pays, notamment la pénurie de certains produits alimentaires.
Pourtant, ce gouvernement aura duré presque deux ans et demi avant que le Président ne décide le weekend dernier de nommer un nouveau Premier ministre. En l’occurrence son directeur de cabinet, Nadir Larbaoui, choisi parmi son cercle le plus proche.
Selon des rumeurs bruissant dans le Tout-Alger, le chef de l’Etat âgé de 77 ans, qui semble briguer un deuxième mandat mais qui n’a toujours pas annoncé officiellement sa candidature, aura choisi un homme de confiance. Celui-ci, à 73 ans, ne risque pas de lui faire de l’ombre à un an de la tenue de l’élection présidentielle de 2024.
Est-il l’homme de la situation?
Mais qui est le nouveau Premier ministre largement méconnu du grand public en Algérie?
Sobre, méthodique, homme de dossiers, très détaché du microcosme politique algérois, ce fils d’un Moujahed ayant évolué près de l’état-major de Ghardimaou auprès du Colonel Houari Boumediene, était un sportif de haut niveau. Joueur de handball, il a été trois fois champion d’Algérie et vice-champion d’Afrique en 1976. A l’université d’Alger, il obtint une licence en droit et un magister en droit public et privé, avant de rejoindre le barreau d’Alger comme avocat.
Après un passage au ministère de l’Energie et des Mines et à celui de l’Industrie, où il s’occupe des activités liées à l’Union du Maghreb Arabe, le nouveau promu intègre le ministère des Affaires étrangères au début des années 1990 pour ne plus quitter ce département de souveraineté. Il y sera notamment directeur de Maghreb arabe, directeur des affaires juridiques ou encore directeur des relations économiques internationales.
Ambassadeur au Pakistan jusqu’en 2008, il est ensuite nommé en Egypte où il est aussi représentant permanent de son pays auprès de la Ligue arabe. M. Larbaoui reste au Caire jusqu’en 2019, année durant laquelle il est rappelé à Alger puis admis à la retraite un an plus tard. Une retraite de courte durée.
En juillet 2021, le ministre des Affaires étrangères Ramtane Lamamra le rappelle d’abord au sein de son cabinet. Et ce, avant de le proposer comme représentant permanent de l’Algérie auprès des Nations unies. En mars 2023, il intégrait le saint des saints quand le président de la République le nomma directeur du cabinet présidentiel. L’apogée dans la carrière d’un diplomate.
« Autoritaire mais pas dictateur »
A-t-il l’étoffe pour exercer ce poste prestigieux? Certaines mauvaises langues soulignent son manque d’expérience des affaires de politique intérieure, qui constituent l’essentiel de son travail au palais Saâdane. Mais, ceux qui le connaissent de près admirent sa capacité de travail hors normes et surtout sa grande proximité avec le chef de l’Etat. Selon un ancien collègue qui s’exprime sous couvert de l’anonymat, « il est autoritaire, mais pas dictateur. Il serait plutôt un despote éclairé qui consulte, concerte puis décide. C’est le soldat rêvé pour le chef de l’Etat».
Au final, le gouvernement Larbaoui est surtout attendu sur le volet économique. Avec notamment la restauration de la confiance auprès de la sphère entrepreneuriale. Laquelle reste otage d’une bureaucratie héritée de la période coloniale, par sa lourdeur mythique et ses multiples blocages.