Les importations d’habillement de l’Union européenne sont en forte baisse à fin septembre (-14,1 %) par rapport à leur niveau de l’année dernière à la même époque.
Cette situation n’est pas étonnante et reflète l’état dépressif du marché européen d’habillement dans un environnement économique morose, marqué par une forte inflation qui plombe la consommation vestimentaire.
Tous les principaux fournisseurs, à l’exception de la Tunisie, enregistrent des baisses significatives de leurs exportations vers l’UE : la Chine (-20,2 %), mais aussi le Bangladesh (-17,7 %) et les autres fournisseurs asiatiques (Vietnam, Cambodge, Pakistan, Inde, Myanmar).
Côté méditerranéen, les fournisseurs ne sont pas non plus à la fête, avec la Turquie en recul de 12,7 % et le Maroc à -15,3 %.
La Tunisie fait figure d’exception, seul fournisseur parmi les dix premiers à être en croissance, à +7,1 %. Cette performance n’est pas le fruit du hasard mais le résultat d’un positionnement sur le haut/moyen de gamme, seul créneau dans lequel les consommateurs européens continuent à acheter des vêtements avec une certaine vigueur.
La Tunisie a des coûts de facteurs compétitifs mais bénéficie surtout d’une politique pertinente menée au début des années 2000 par trois ministres remarquables, ceux de l’Industrie, du Commerce et de la Coopération internationale. C’est en effet à cette époque qu’une impulsion très forte a été donnée au partenariat euro-tunisien, favorisant les IDE et l’implantation industrielle en Tunisie de filiales de grandes marques européennes, notamment françaises et italiennes.
Ainsi, la Tunisie produit et exporte maintenant vers l’Europe des vêtements dont la valeur ajoutée est jusqu’à trois fois celle des producteurs asiatiques et 30 % supérieure à celles de Turquie et du Maroc. Ce qui lui donne un avantage concurrentiel décisif en cette période inflationniste qui comprime le marché du bas de gamme et encore plus du milieu de gamme.
Au-delà de cet aspect « conjoncturel », on observera aussi que les importations européennes d’habillement de 2023 sont à peine supérieures à celles d’avant-Covid et que certains fournisseurs tels que la Chine, le Cambodge et le Maroc ne sont même pas encore parvenus à leur niveau de 2019.
On notera enfin que, globalement, les fournisseurs méditerranéens font mieux que résister. Leur part dans les importations totales d’habillement d’avant-Covid était de 17,2 %; elle est maintenant de 18,5 %, évolution qui suggère une (légère) orientation du marché pour un sourcing de proximité.
Mais à l’intérieur du groupe des pays méditerranéens, les évolutions sont diversifiées : la Turquie, la Tunisie, l’Egypte et la Jordanie progressent; alors que le Maroc décline et que les autres fournisseurs voient leurs parts se réduire comme une peau de chagrin (Liban, Israël, Syrie, Algérie, Lybie).
Jean-François Limantour, président d’Evalliance