Le chef du gouvernement, Ahmed Hachani, a lancé un chiffre lors de son discours devant l‘ARP qui a ouvert un long débat, celui d’une croissance potentielle de 3% pour 2024. Est-ce qu’une telle hypothèse est réalisable dans le contexte actuel ?
Un petit exercice de calcul
Il faut commencer par examiner les chiffres de 2023. L’activité économique a enregistré un repli de la croissance du produit intérieur brut en volume (corrigé de l’effet des variations saisonnières) de -0,2 % au cours du troisième trimestre, en glissement annuel. La croissance du PIB, en volume, sur l’ensemble des neuf premiers mois 2023 s’est établie à 0,7%.
Si nous calculons la croissance hors agriculture, nous constatons qu’elle a été de +1,5% sur le troisième trimestre par rapport à la même période en 2022. Sur la même période, l’activité agricole a perdu 16,4% en glissement annuel. Sur l’ensemble des neuf premiers mois, la croissance hors agriculture a atteint 1,9%, celle de l’agriculture chutant de 11,2%.
En d’autres termes, si la Tunisie retrouve en 2024 sa production agricole de 2021, elle pourra gagner au minimum 1% dans la croissance globale, se rapprochant sérieusement du seuil indiqué de 3%. Au vu de la sécheresse actuelle et du manque de ressources hydrauliques, nous avons besoin d’un rattrapage côté pluviométrie dans les prochaines semaines. Autrement, il serait quasiment impossible de réaliser la performance souhaitée.
Besoin d’importations fluides
Cela suppose également que les autres secteurs fonctionnent normalement. Les évolutions de 2023 n’inspirent pas vraiment confiance. Selon l’INS, la demande intérieure en volume a marqué un fléchissement de 0,4% au troisième trimestre 2023. La raison est connue : une inflation qui persiste à des niveaux élevés et un pouvoir d’achat effrité. Les perturbations dans les cycles d’approvisionnement, la montée en flèche des prix de l’alimentaire et l’augmentation du chômage ont tous contribué à cette tendance.
Le moteur qui fonctionne est le secteur extérieur qui a contribué positivement à hauteur de 0,2% à la croissance. Mais pour qu’il continue à tourner, il faut que le flux des importations soit fluide. Avec le calendrier de remboursement de la dette extérieure de la prochaine année, notamment au début de l’année, les industries risquent de souffrir un peu au niveau des acquisitions de matières premières et d’outils de production.
L’équation est donc assez compliquée, avec les difficultés des finances publiques qui risquent de peser encore plus cette année sur la croissance. Le problème est que le pays, après une décennie d’absence d’une épargne nationale suffisante, semble dépourvu de moyens financiers pour rebondir dès que le cycle économique mondial se détend. L’injection de ressources dans la production est plus que nécessaire.