Il est le nouveau président de la CONECT, un syndicat patronal qui commence à gagner du terrain. Avocat de métier, il se présente aussi comme un entrepreneur. Lors de cet entretien, il nous dévoilera sa vision d’un syndicat patronal et les relations que peut avoir la CONECT avec ses partenaires sociaux. On fera avec lui une lecture de la situation économique du pays. Il nous parlera, également, des jeunes entrepreneurs, un créneau de prédilection pour la CONECT
Les jeunes entrepreneurs, un créneau sur lequel table la CONECT.
C’est vrai que la situation est critique, le salut passe inévitablement par l’initiative privée. Mais un président de patronat se doit d’être responsable et d’être une source d’espoir pour nos jeunes. C’est son rôle.
Aujourd’hui, les 18-25 ans attendent qu’on leur donne le «la» et qu’on leur dise : prenez le risque et constituez votre entreprise. Il faut leur inculquer la culture entrepreneuriale. L’entreprise ne doit pas être une réalisation en soi. Elle doit être un moyen pour faire rêver les jeunes. L’échec n’est pas une fatalité. C’est une expérience pour rebondir. J’en profite pour lancer un appel aux jeunes : lancez-vous, réunissez-vous à deux, trois personnes et imaginez un business modèle. C’est cet espoir qu’il faut donner aux jeunes, pour qu’une fois les études finies, et même durant leurs études, ils osent entreprendre. Il faut leur donner espoir pour qu’ils ne pensent pas qu’à quitter le pays.
C’est à nous, en tant que patronat, en tant que société civile et économique, de travailler pour leur permettre d’éviter les obstacles de financement et ainsi accéder au marché. Ce sont là des obstacles majeurs aujourd’hui au lancement d’un projet. Il faudrait que nos banques, notre microfinance prennent ces aspects en considération. Il y a des jeunes qui ne possèdent pas des garanties réelles, qui n’ont pas de capital, mais qui ont des idées. Il faut les croire et prendre le risque avec eux.
Miser sur les jeunes. D’autres défis à relever ? On parle économie bien sûr.
Des défis importants, notamment à court terme, ceux de maintenir l’inflation et le cours du dinar.
On a, jusque-là, réussi, malgré les pressions internes et externes, à maintenir l’inflation à des taux respectables de 8,6%. On a réussi aussi à maintenir la valeur du dinar à des taux relativement respectables. Un autre système économique aurait accusé le coup. Le défi, maintenant, c’est de continuer à maintenir cette tendance. Que la Banque centrale continue à jouer son rôle. Il est à saluer.
On ne peut pas dire que tout le monde partage votre enthousiasme quant au rôle de la BCT, notamment en ce qui concerne sa politique monétaire. Plus encore, son indépendance même est remise en cause.
Personnellement, je pense que la question de l’indépendance de la BCT est un faux problème. On lie l’indépendance de la BCT à l’endettement de l’Etat. Est-ce que l’Etat n’a pas pu lever des fonds auprès des banques ? Ce n’est pas le cas. C’est vrai qu’il y a eu l’effet d’éviction dont on parlait plus haut, mais je pense que dans chaque pays qui se respecte, la Banque centrale se doit d’avoir cette indépendance. A ce propos, il ne faut pas confondre indépendance et séparation de l’exécutif.
Pour revenir aux défis, il y a des réformes que la Tunisie doit entreprendre, dont la question des entreprises publiques. Votre approche à la CONECT sur ce sujet ?
On a toujours parlé de réformer les entreprises publiques. C’est possible et on a quelques exemples parfaits de changement radical de gouvernance dans des entreprises publiques. C’est le cas par exemple de l’assurance AMI, le jour où un jeune manager qui raisonne différemment en a pris les rênes. Si on applique cette approche à plusieurs autres entreprises publiques, on pourra redresser plus d’une et ce sans parler, nécessairement, de privatisation.
Donc, oui, nous sommes pour la réforme des entreprises publiques. Essayons, pour cela, d’éviter ce leitmotiv de privatisation.
Extrait du grand entretien qui est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n882 du 22 novembre au 6 décembre 2023