Avec une inflation toujours élevée (moyenne de 9,6% jusqu’à fin octobre 2023) en dépit d’une politique monétaire restrictive, le ministère du Commerce et du Développement des exportations a de nouveau fait appel à la politique d’encadrement des prix.
Il a ainsi été décidé de geler les augmentations des prix de certains types de produits de consommation, tels que les conserves alimentaires, les biscuits et les sucreries, les boissons gazeuses et les jus de fruits, les produits laitiers, les produits d’entretien ménager, les produits hygiéniques et les matériaux de construction.
Le ministère a également fixé un plafond aux prix d’autres produits de première nécessité. Il a été décidé de plafonner le prix des œufs à 1,400 dinar les quatre unités afin que les commerçants de distribution de gros et de détail conservent leurs marges bénéficiaires habituelles. Les prix de vente du fer destiné à la construction ont été révisés à la baisse de 14%.
Cette batterie de décisions vise à contrôler le dérapage des produits largement consommés et dont la chaîne de valeur n’est pas totalement contrôlée par l’Etat et n’a donc pas la main sur la formation des prix. Les producteurs et les distributeurs pourraient créer des situations de monopole ou de rareté qui poussent encore l’inflation vers le haut.
Structure de coûts
A court terme, ces mesures vont certainement donner un effet immédiat. Néanmoins, à moyen et long terme, et en l’absence d’autres mesures qui accompagnent cette action, l’impact est plutôt dévastateur. Il faut un travail rapide et approfondi pour analyser la structure des prix pour chaque produit concerné. Les inputs diffèrent et proviennent de différentes origines. Les cours des matières premières évoluent dans un contexte mondial fragile. Un composant acheté aujourd’hui à 1 dinar peut passer à 1,1 dinar dans quelques semaines. Il suffit donc que les prix des intrants augmentent pour que les producteurs se retrouvent perdants et peuvent décider d’arrêter.
C’est pour cette raison d’ailleurs que le ministère a demandé aux producteurs de lui communiquer, le plus rapidement possible, la structure détaillée des coûts. Il est donc conscient de ce risque. Le facteur temps est celui qui va déterminer l’efficience de l’action qu’il a commencée.
L’autre risque est celui de pousser les producteurs à stocker jusqu’à ce que les prix de vente soient suffisamment rentables. Puisque la réglementation en vigueur est sévère, le choix serait la rationalisation des volumes de production, un comportement qui va se répercuter sur une offre déjà faible et pousser les prix à la hausse.
Enjeux
Désormais, les industriels doivent adapter leurs structures de charges opérationnelles. La compression des charges va se transformer en une priorité, à travers des investissements ciblés en intelligence artificielle. Il y aura bien de la destruction de postes de travail et les emplois qui seront créés sont plutôt offerts aux profils polyvalents.
Personne ne conteste la fibre sociale de l’Etat. Elle est même requise lors de ces cycles économiques serrés et dont les victimes sont la majorité de la population à revenu faible et moyen. Néanmoins, il faut doser le timing et l’ampleur de ces interventions. Œuvrer à la maîtrise des coûts de production des industriels tunisiens, déjà très élevés, doit être un sujet de débat national.
La croissance du pays pour les prochaines années est en train de se dessiner. Les limitations des marges et le plafonnement des prix signifient l’incapacité de pouvoir améliorer ses bénéfices. Pourquoi donc investir ? Si baisser les prix passe par la destruction de l’industrie, c’est loin d’être profitable en fin de compte. Fonctionner contre le sens du marché peut être une manœuvre réussie à court terme, mais pourra aboutir à des problèmes encore plus structurels si le provisoire dure.