Avec les films de Abdelhamid Bouchnak, le public a droit à des genres cinématographiques assez variés : Dachra, premier film d’horreur tunisien, « Papillon d’or », un film du genre fantastique et « L’Aiguille » (The Needle, titre en anglais), nouvelle fiction du réalisateur et scénariste dans laquelle il explore un thème à vocation humaine.
« L’intersexualité » est un thème qui commence à avoir de la place dans les choix des réalisateurs tunisiens et leurs producteurs. Abdelhamid Bouchnak est allé vers ce choix dans « l’Aiguille ». Et ce en donnant de la visibilité à une communauté qui vit en marge de la société, le plus souvent hostile et une loi caduque.
« L’aiguille » qui redessine le futur de Nour
« L’Aiguille » (113′), raconte l’histoire d’un jeune couple Mohamed Ali (Bilel Slatnia), alias Dali, et son épouse Mariem (Fatma Sfar), vivant à Tunis, au début de l’année 2000. En visite chez le médecin gynécologue, Mariem et Dali apprennent qu’ils vont avoir un garçon. La nouvelle ne manque pas d’émouvoir Dali qui a les larmes aux yeux. Car avoir un garçon est un motif de fierté pour ce jeune cadre issu d’un milieu assez réservé de la région du Cap Bon.
La nouvelle qui devait leur apporter le bonheur devient un cauchemar pour Dali et un peu moins pour sa femme guidée par l’instinct maternel. Après l’accouchement, le bébé, longtemps attendu est intersexe (une personne qui est née avec une particularité rare et porte les deux sexes, mâle et femelle).
Le papa n’arrive pas à accepter la différence physique chez son bébé. La gynécologue de Mariem affirme que c’est un cas rare et qu’il est généralement difficile de le découvrir au cours de la grossesse.
Les réactions de Mariem, Dali, les parents de Dali, Mustapha (Jamel Madani) et Latifa (Sabah Bouzouita) sont mitigées. Mais tout le monde est gêné, même le médecin a du mal à leur annoncer la nouvelle.
L’enfant longtemps attendu devient comme un monstre dans son bercail, notamment pour Dali qui va jusqu’à vomir. La honte habite chacun des personnages avec cette crainte de ce que vont dire les autres. Dali refuse de l’admettre à cause surtout de la vision de la société. Son père Mustapha est allé chercher une réponse auprès du Muezzin qui lui conseille de « faire la prière du choix. »
Pour Dali, la solution est d’aller à l’hôpital et de choisir le sexe de l’enfant après une simple opération chirurgicale. Les années passent et Nour est devenu(e) le jeune homme que son père espérait.
Fatma Sfar, la révélation
Abdelhamid Bouchnak estime qu’« il est temps d’aborder la question de l’intersexualité pour sauver les petits..» Pour lui, l’artiste « a pour mission d’essayer de changer le monde, en sensibilisant le public. Et afin d’amener les décideurs à adopter des lois qui protègent les enfants ».
Fatma Sfar, avec laquelle il a eu une première collaboration en 2021 dans la série télévisée « Ken Ya Makanech », constitue « une découverte » pour Bouchnak. A son avis, cette jeune actrice, issue du théâtre, et qui est à sa première expérience dans un long métrage, aura « une brillante carrière cinématographique ».
Pour Fatma Sfar, le rôle de Mariem rentre dans ses convictions à défendre cette question qui touche à l’enfance. Dans sa performance, elle s’est largement investie dans le rôle de la mère. Après deux semaines de tournage, cette actrice initialement musicienne, avoue qu’il lui a été « difficile de sortir de la peau de Mariem ».
De la poésie dans le film
Dans ce troisième long-métrage Bouchnak, entouré de son frère, Hamza Bouchnak, auteur de la musique mais aussi au casting et à la production, nous livre une œuvre qui témoigne d’une maturité dans les choix, tant au niveau du thème que des éléments artistiques.
La pluie est une mélodie triste qui se dessine dans les vitres des fenêtres des cafés et sur les toits des vieux immeubles du quartier d’el Menzeh où s’est déroulé le tournage. En cette ambiance, la musique du film est comme une symphonie. Un symphonie qui transporte les âmes vers le monde de chaque personnage pour dévoiler ses moments de joie et de peine.
Sous la pluie, la poésie des images s’allie à celle des mélodies dans une sorte de métaphore que le réalisateur assimile à une façon de laver la douleur qui habite ses personnages et la triste histoire de Nour.
Les éléments visuels sont en harmonie avec cette froideur et les couleurs qui marquent la saison, par ailleurs « voulues » par le réalisateur.
Vision du réalisateur
Pour Hamza Bouchnak, la bande sonore repose sur trois thèmes qui versent dans la tristesse qui marque ce genre dramatique. « Les choix musicaux n’étaient pas évidents » pour le jeune compositeur. Il a « essayé de suivre la structure du film où le dialogue et le silence sont deux éléments omniprésents ». Le film figurait dans sélection officielle des Journées Cinématographiques de Carthage (JCC) 2023 dont la tenue a été annulée.
En Solidarité avec la Palestine, l’avant-première est programmée, le 1er décembre, dans 14 salles. Toute la recette de ces projections sera versée au Croissant Rouge tunisien (CRT). « L’Aiguille » fera sa sortie nationale, le 6 décembre, sur grand écran.
Avec TAP