Expression d’une gouvernance mondiale rénovée, l’actuelle COP 28 organisée à Dubaï a déjà abouti à plusieurs centaines de millions de dollars de promesses de dons au bénéfice des pays en développement. L’évènement a pour enjeu d’influencer l’évolution des émissions de gaz à effet de serre (principale source du réchauffement climatique) en établissant une forme de justice climatique.
Dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, les années 1990 ont été marquées par la création d’instruments de gouvernance mondiale liés à l’inscription du changement climatique à l’agenda international. La Conférence des Parties (COP) a été instituée lors de l’adoption de la Convention Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) au Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, un traité international signé en 1992 (et entré en vigueur le 21 mars 1994).
Instrument du multilatéralisme, les COP offrent une tribune aux pays en développement ou vulnérables. Elles rassemblent diverses catégories d’acteurs non étatiques de la société civile (pas forcément pour défendre les principes et valeurs de la protection de l’environnement et de la lutte contre le réchauffement climatique) : ONG environnementales; entités publiques infra-étatiques; syndicats professionnels; entreprises; cabinets de conseils et lobbyistes; etc.
Les COP : symboles d’une tentative de rénovation de la gouvernance mondiale
Toutefois, les COP font l’objet de critiques qui en relativisent l’intérêt par rapport aux conférences internationales classiques. Car, ce type de processus de négociation s’avère trop laborieux, lourd et lent.
Outre les intérêts divergents des parties prenantes, cela s’explique par l’absence de mécanisme de vote et l’application de la règle du consensus. Si les négociations lors de ces Conférences annuelles sont autant de caisses de résonance des débats liés au réchauffement climatique; le cadre offert semble inadapté au regard des causes systémiques (liées au modèle de développement capitaliste) du phénomène. Dès lors, une plus grande implication des organisations et institutions économiques internationales (y compris des cadres informels comme le G7, le G20) s’avère nécessaire à la bonne gouvernance de la question climatique.
L’enjeu de la justice climatique
La question de la justice climatique nourrit de plus en plus cette opposition qui structure les négociations climatiques (entre pays développés, historiquement responsables du réchauffement, et pays en développement, qui y ont moins contribué). Les pays du Nord tendent à dissocier la problématique de l’équité de l’impératif de restreindre le réchauffement sous les 1,5 °C. Alors que les pays du Sud mettent en avant la nécessité d’obtenir des ressources financières et technologiques.
Certes, la COP27 (novembre 2022) s’est conclue sur la décision historique de créer un fonds pour les « pertes et dommages » (tant économiques qu’humains et culturels) destiné à indemniser les catastrophes naturelles causées par le changement climatique. Toutefois, ces modalités d’application demeurent indéfinies (liste des pays contributeurs et bénéficiaires, sources de financement). La formulation des « pays particulièrement vulnérables » interroge la définition même de la vulnérabilité.
La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques trace une ligne de démarcation entre pays du Nord et du Sud. Elle est fondée sur les principes des « responsabilités communes, mais différenciées » et des « capacités respectives ». Tout en donnant le primat de l’action aux Etats qui ont le plus émis de gaz à effet de serre et les plus riches. Ces quarante-trois pays industrialisés sont classés dans l’annexe I de la CCNUCC; tandis que les autres sont dits en « non-annexe I ».
Depuis l’Accord de Paris de 2015, qui réitère les deux principes, tous les pays doivent réduire leurs émissions. Cependant, sur le plan financier, l’idée reste que les pays de l’annexe I abondent les fonds destinés aux autres Etats pour les aider à réduire leurs émissions ou à s’adapter au changement climatique.
Or désormais, ce « reste du monde » compte pour 70 % des émissions mondiales et certains pays se sont fortement développés. La Chine, en particulier, est devenue la deuxième puissance économique mondiale, le premier pollueur et même le second émetteur d’émissions cumulées, derrière les Etats-Unis. En cela, la logique de répartition entre Nord et Sud est en partie dépassée. Partant, au sein du groupe de négociations « G77+Chine » présent au sein des COP, certains pays, plus vulnérables au réchauffement climatique, affichent leur volonté de voir les grands émergents devenir partie prenante du mécanisme de justice climatique. Or la Chine (visée en particulier) craint un recul sur le principe de « responsabilités communes, mais différenciées », qui demeure le socle des négociations climatiques aux yeux du Sud. En cela, la géopolitique du climat rend parfois nécessaires des alliances qui vont au-delà des clivages classiques, dont le clivage Nord-Sud…