Détenu dans les geôles israéliennes depuis plus de vingt ans, Marwan Barghouti, le dirigeant palestinien le plus populaire, pourrait détenir la clé de la résolution du conflit israélo-palestinien. Eclairage.
Devant l’enlisement de l’armée israélienne dans sa sale guerre à Gaza sans pour autant parvenir, loin s’en faut, à briser la colonne vertébrale de la résistance palestinienne. Et alors que plus personne en Israël ne miserait un shekel sur le maintien du gouvernement ultraconservateur du Premier ministre Benjamin Netanyahu, 74 ans, dont le procès pour corruption, fraude et abus de confiance dans trois affaires, a repris lundi 4 novembre à Jérusalem en pleine guerre contre le Hamas. Enfin, au regard de l’impuissance d’une Autorité palestinienne dirigée par Mahmoud Abbas, totalement discrédité; de nombreuses chancelleries aussi bien arabes qu’occidentales sont à la recherche d’une personnalité politique capable de représenter la véritable résistance du peuple palestinien, tout en étant acceptée ou du moins tolérée même à contre cœur par l’occupant israélien. Marwan Barghouti?
L’homme providentiel
Et c’est tout naturellement que tous les regards se tournent vers l’homme providentiel, Marwan Barghouti, le seul par son prestige, qui semble détenir à moyen et à long terme la clé de la résolution du conflit israélo-palestinien. Mieux, de réaliser le rêve d’un Etat palestinien qui s’étende de la bande de Gaza à la Cisjordanie occupée avec Jérusalem-Est pour capitale.
N’est-il pas curieux de constater dans ce sens que le président américain Joe Biden ait plaidé, samedi 18 novembre dans une longue tribune publiée par le Washington Post, pour qu’ « à terme la gestion de Gaza soit transférée à l’Autorité palestinienne ». Tout en appelant « à une future réunification de la Cisjordanie et de la bande de Gaza sous une Autorité palestinienne revitalisée ». Et qui d’autre que Marwan Barhouthi pour représenter l’Autorité palestinienne une fois Mahmoud Abbas, 88 ans, obligé de prendre sa retraite?
« Une solution à deux Etats est le seul moyen d’assurer la sécurité à long terme du peuple israélien et du peuple palestinien. Aujourd’hui cette perspective semble plus lointaine que jamais, mais la crise actuelle la rend plus nécessaire que jamais », écrit le président démocrate.
Or, à l’heure où les libérations de détenus palestiniens contre des otages israéliens se succèdent à la faveur de l’accord entre Israël et le Hamas, la libération de l’homme qui croupit dans les prisons israéliennes depuis plus de 21 ans où il passé plus de mille jours en isolement cellulaire, est d’actualité. Et ce, d’autant plus que le porte-parole militaire du Hamas, Abou Obeida, a affirmé dans une vidéo diffusée le 28 octobre que le « prix à payer » pour la libération des 230 otages retenus dans la bande de Gaza était de « vider les prisons de tous les détenus palestiniens ». Le « Nelson Mandela palestinien » fera-t-il partie de ce deal?
Un homme de dialogue
Selon un chercheur au Centre Carnegie du Moyen-Orient basé à Beyrouth, Marwan Barghouti, licencié en histoire et sciences politiques et maîtrisard des relations internationales, est à la fois porte-parole « intransigeant » de la cause palestinienne et « ouvert au dialogue avec les Israéliens », semble incarner le meilleur interlocuteur en cas de tractations. En effet, « il jouit d’une certaine légitimité politique parmi les Palestiniens des territoires occupés, tant au sein de son organisation, le Fatah, que parmi les sympathisants d’autres factions palestiniennes. Il est mieux placé que la plupart des autres pour jouer un rôle important dans de futures négociations ».
Une analyse partagée par Frédéric Encel, docteur en géopolitique et spécialiste du Proche-Orient. « Il a passé de nombreuses années en prison en Israël. Ce qui lui donne évidemment un gage à la fois de probité, d’héroïsme, de patriotisme aux yeux des Palestiniens ».
Pour Jean-Paul Chagnollaud, directeur de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient basé à Paris, l’ancien chef du Tanzim – la branche armée du Fatah fondée en 1995 par Yasser Arafat, condamné par la justice israélienne à cinq peines de prison à perpétuité pour attentats et appartenance à une organisation terroriste- n’a pas été assassiné. « C’est important parce qu’à l’époque, il y avait beaucoup d’assassinats ciblés et lui ne l’a pas été. Il a été arrêté et je crois que ce n’est pas par hasard », affirme-t-il.
Une manière de suggérer que Marwan Barghouti- qui s’est imposé comme la seule personne capable de réaliser l’unité des organisations palestiniennes et qui a toujours plaidé depuis le fond de sa cellule pour la création d’un Etat palestinien sur les frontières de 1967 et qui a appelé à limiter la résistance palestinienne au seul territoire occupé en 1967 « dans le respect du droit international »- sera un interlocuteur crédible pour l’Etat hébreu lors des futures tractations avec l’Autorité palestinienne?