Y a-t-il ou non une véritable pénurie de farine en Tunisie? Si oui, qu’est-ce qui l’explique? Et comment se manifeste-t-elle?
Chiffre à l’appui, l’Observatoire Raqaba semble avoir quelques éléments de réponse. En effet, il constate que « la grave pénurie de pain se poursuit, même si les quantités distribuées de blé tendre n’ont pas connu de baisse au cours de la période allant de janvier à septembre 2023; et ce, par rapport à la même période de l’année 2022 ».
Alors, si tel est le cas, qu’on nous explique pourquoi le pain n’est plus fabriqué dans les boulangeries comme par le passé? Et pour quelles raisons ne le trouve-t-on plus qu’à des « plages horaires » bien déterminées?
Pour l’expliquer, Raqaba indique en substance que « ce qui justifie cette pénurie, c’est que le pourcentage de baisse n’a pas dépassé 0,7 %. C’est-à-dire qu’il équivaut à seulement 6,7 mille tonnes (de 902,8 mille tonnes à 896,1 mille tonnes). Et par rapport à la même période des années 2020 et 2021, les quantités distribuées de blé tendre jusqu’à fin septembre 2023 ont enregistré des augmentations successives de 2,1 % (équivalent à 18,8 mille tonnes) et 4,2 % (équivalent à 35,9 mille tonnes). La période de janvier à septembre 2023 a également connu une baisse significative des prix moyens des céréales fournies ».
Avez-vous compris quelque chose? Non. Rassurez-vous, nous aussi nous n’avons pas pigé grand-chose.
La crise est principalement due à la manipulation de la farine, en particulier celle subventionnée qui est exclusivement fournie aux boulangeries classées
Continuons avec l’observatoire, qui affirme que « la crise actuelle du manque de pain en quantité suffisante n’est pas le résultat d’un problème d’approvisionnement en blé tendre de l’Office des céréales, ni d’un problème de disponibilité de ce produit et de ses prix sur le marché mondial; encore moins d’un problème dans la distribution du matériel, et non plus d’une consommation excessive. Considérant que le rythme mensuel de distribution du blé tendre pendant la période s’étendant de janvier à septembre de l’année 2023 est de l’ordre de 99,6 mille tonnes. Ce qui signifie qu’il dépasse le taux mensuel des années 2020 et 2021 et est proche du taux des années 2019 (et 2022, qui est supérieur à la moyenne) pour la période allant de 2010 à 2018 ».
En clair, pour Raqaba, « la crise est principalement due à la manipulation de la farine. En particulier celle subventionnée qui est exclusivement fournie aux boulangeries classées. Et ce, compte tenu de l’incapacité du ministère du Commerce à mener à bien son travail, et à se satisfaire de faire ce qu’il a appelé le « show médiatique », à travers des opérations de surveillance de circonstance pendant les crises ».
Et pour étayer ses propos, l’observatoire affirme avoir effectué ses propres visites sur le terrain. Lesquelles « ont confirmé l’absence quasi totale des structures chargées de la mission de contrôle des boulangeries ». De plus, il déclare avoir constaté quelques violations. Entre autres : « Le manque de disponibilité du gros pain dans toutes les boulangeries visitées, malgré la prédominance des boulangeries de classe A; la disponibilité de petits pains subventionnés dans un petit nombre de boulangeries de classe C (pas plus que 30 %) en échange de la disponibilité de pain fin en quantités variables et à des prix élevés; la plupart des boulangeries dans la majorité des régions du pays sont fermées l’après-midi; le défaut de signalisation pour le consommateur de la qualité du pain fabriqué, de son poids, de son prix et de la spécialité de la boulangerie ».
Comprendre in fine que cette situation de pénurie serait purement artificielle, selon l’Observatoire Raqaba.
Rappelons que le président de la République, Kaïs Saïed, a mobilisé tout le gouvernement, à commencer par son chef, pour résoudre cette crise du pain/farine, en vain ou presque. Il ne reste plus qu’à « nationaliser » les boulangeries, en tout cas celles qui refusent de se conformer à la législation…