La révision de l’accord de libre-échange entre la Tunisie et la Turquie revient sur la place publique, et ce, depuis l’annonce de son amendement intervenu le 3 décembre 2023. Quels enseignements en tirer ? L’économiste Ridha Chkoundali nous livre une analyse approfondie de cet amendement.
Il estime que les motivations de cet amendement sont d’ordre politique et non économique. De ce fait, l’économiste bat en brèche l’analyse faite du déficit commercial entre la Tunisie et la Turquie, en ce sens que ce déficit n’arrive qu’au quatrième rang après la Chine, la Russie et l’Algérie.
Il précise dans ce contexte: “Ce déficit a commencé à diminuer depuis 2021, passant de 3,4 milliards de dinars au cours des dix premiers mois de 2022 à 2,8 milliards de dinars au cours de la même période de l’année 2023”.
Il convient de noter également que l’accord de libre-échange avec la Turquie, signé par la Tunisie le 25 novembre 2004 et entré en vigueur le 1er juin 2005, visait à établir une zone de libre-échange entre les deux parties.
Or, il faut comprendre, selon l’analyse de M. Chkoundali, que cet accord se caractérisait par l’exonération totale des droits de douane sur tous les produits industriels, ainsi que sur certains produits agricoles (tels que les dattes) jusqu’à un certain plafond.
Il ajoute que le creusement du déficit commercial avec la Turquie ou d’autres pays est lié aux politiques économiques adoptées par les gouvernements après janvier 2011 marquées par une hausse des taux d’intérêt ainsi que la dépréciation du dinar tunisien.
Et de poursuivre: “Si nous voulons renforcer notre industrie, il est de notre devoir de réduire et non d’alourdir les coûts pour pouvoir concurrencer d’autres pays comme la Turquie ».
Maintenant, concernant l’amendement et ce qu’il implique, on doit se poser la question de savoir qui va payer l’augmentation des droits de douane sur les matériaux turcs importés. En effet, si ces matériaux importés sont des matières premières et des demi-produits, ce qui est généralement le cas (tissus, matériaux de construction, etc.), cela représente un coût supplémentaire pour les entreprises tunisiennes, aggravant leur crise et les privant de leur compétitivité sur le marché local et à l’export. Autrement dit, ce sont les consommateurs tunisiens qui supporteront ce coût supplémentaire, et sur le marché étranger, les entreprises tunisiennes perdront leur compétitivité, suite à l’augmentation de leur coût de production.
Cependant, est-ce que le protectionnisme est une politique viable ? « Non, répond M. Chkoundali, la politique protectionniste n’est pas économiquement viable, car elle n’encourage pas l’industrie tunisienne à innover et à améliorer la qualité de ses produits ».