Le Conseil de sécurité de l’ONU sait mieux que quiconque que : le nombre de morts et d’enterrés sous les décombres à Gaza se compte en plusieurs dizaines de milliers; un nombre effarant de blessés et de malades sont livrés à leurs sorts; la moitié de Gaza est détruite; des centaines de milliers sont devenus sans-abris en cet hiver pluvieux; neuf Palestiniens sur dix peinent à se nourrir…
Pourtant, ce Conseil échoue encore une fois le vendredi 8 décembre à exiger un cessez-le-feu à Gaza et à ordonner à l’Etat israélien d’arrêter le déchainement hystérique de sa machine de guerre contre une population sans défense.
Le vote a eu lieu deux jours après que le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a invoqué l’article 99 (très rarement invoqué) selon lequel « le secrétaire général peut attirer l’attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité mondiales ».
Il est remarquable que l’article 99 n’a été évoqué ni pendant les guerres d’Irak, ni celles d’Afghanistan et même celle d’Ukraine. M. Guterres avait bien raison d’invoquer cet article car, dans l’histoire moderne, aucune des centaines de guerres menées, aucune ne ressemble à celle qui se déroule actuellement à Gaza. Une guerre qui oppose une armée suréquipée d’avions de combat, de tanks et de bombes dévastatrices à une population sans défense.
Il semble que l’invocation de l’article 99 par M. Guterres ait convaincu tous les membres du Conseil de sécurité de voter pour le cessez-le-feu ou de ne pas s’y opposer, sauf les Etats-Unis. En effet, sur les 15 pays membres du Conseil de sécurité, 13 ont voté pour le cessez-le feu, la Grande-Bretagne s’est abstenue. Mais Washington, en dépit des horreurs commises par son allié israélien, a quand même utilisé son véto pour lui permettre de poursuivre sa mission génocidaire contre le peuple palestinien.
Pire encore, juste après ce véto, l’administration Biden, invoquant « une urgence » qui la dispense de l’accord du Congrès, a décidé de livrer « immédiatement » à Israël 13 000 obus pour tanks…
Alors, la question qui ne cesse d’être posée et que les historiens ne manqueront pas de poser le moment venu est : pourquoi la plus grande puissance du monde accepte-t-elle de violer le droit international, les règles morales les plus élémentaires et les principes humanitaires de base et de s’associer aux basses œuvres d’un Etat criminel? Pourquoi la classe au pouvoir à Washington choisit-elle de nourrir la tension au Moyen-Orient au lieu de contraindre son allié israélien à se conformer au droit international?
D’aucuns diront à juste titre que, avant d’imposer le respect du droit international à leur allié israélien, les Etats-Unis doivent commencer par s’y conformer eux-mêmes. La plus grande puissance du monde a maltraité, ignoré et méprisé le droit international beaucoup plus que son allié, l’Etat-paria israélien. Aucun pays au monde n’a paralysé, manipulé, décrédibilisé le Conseil de sécurité que les Etats-Unis. Ils l’ont utilisé pour déstabiliser des pays comme ce fut le cas en Libye en 2011; mais l’empêchent aujourd’hui d’assumer sa responsabilité de protéger du génocide une population sans défense à Gaza…
Visiblement très affecté par le véto américain du 8 décembre, M. Antonio Guterres n’a pas caché son désarroi face à un Conseil de sécurité « paralysé », comme il a qualifié ce principal organe de l’Organisation mondiale. Ce n’est pas d’aujourd’hui que ce « machin » dont parlait le général De Gaulle est paralysé. Il est né handicapé et son handicap a pour nom « le droit de véto ».
Les horreurs de la guerre génocidaire de Gaza soulignent chaque jour un peu plus le mépris avec lequel elle traite les pays arabes dans leur ensemble; ceux qui ont « normalisé » leurs relations avec l’occupant israélien et ceux qui ont refusé de le faire. Aucune requête, aucune proposition de cessez-le-feu, aucune démarche des pays arabes auprès de Washington n’a été prise en compte.
Mais bien que cette attitude de Washington les mette dans l’embarras, pour ne pas dire en danger, les régimes arabes continuent d’avaler les couleuvres en série, sans oser réagir fermement contre le traitement humiliant que leur inflige la Maison Blanche. Quelle conclusion tirer sinon que les régimes arabes craignent Washington plus que le bouillonnement de leurs populations qui se fait entendre du Golfe à l’Atlantique?