Nawel Bizid, une journaliste tunisienne, a lancé sa chaîne YouTube « Deep Confessions Post » qui aborde courageusement le tabou de la santé mentale en Tunisie.
Pour ceux et celles qui ne la connaissent pas, Nawel Bizid a travaillé dans des radios, au Théâtre national, à El Hiwar Ettounsi, et pigiste à Nawaat. La journaliste a aussi été content manager à « WellCom Advertising ».
Nous l’avons interviewée à propos justement de cette émission web, qui fait débat en Tunisie.
Comment choisissez-vous vos invités ?
Nawel Bizid : Je sélectionne des sujets que j’aimerais aborder et je recherche les personnes correspondantes. Mais, dans la plupart des cas, je fais appel à des individus ayant défendu des causes ou vécu des expériences pertinentes. Je me base également sur mon carnet d’adresses. Parfois, je tiens compte de l’actualité. Sinon, je me tourne vers des sujets bateau qui ne sont jamais périmés.
Il arrive que des célébrités résidants à l’étranger reviennent en Tunisie, je saisis donc l’occasion pour les solliciter en vue d’une interview. De même, certaines personnes ne sont pas localisées à Tunis. J’attends leur venue ici pour les interviewer. Toutefois, je suis parfois guidée par des événements d’actualité. C’est ainsi que j’ai choisi d’inviter des personnalités telles que Abdelhamid Bouchnak, Néjib Belkadhi et Selima Sfar, avec qui j’ai eu des discussions.
Je ne diffuse pas les émissions par ordre chronologique, et j’ai toujours une visibilité d’un mois pour ce que je vais diffuser. Si je diffuse une émission qui va faire débat, j’enchaîne juste après avec une émission dont le contenu est léger.
Y a-t-il eu des épisodes qui ont suscité des réactions qui vous ont étonnée ?
Je suis toujours choquée par les réactions agressives. Je n’arrive pas à normaliser avec la haine, les insultes, les commentaires agressifs et les critiques non constructives. Cela m’étonne toujours. Je me dis comment peut-on être aussi agressif à cause d’une vidéo sur les réseaux sociaux ? Pourquoi ne pas émettre une critique claire que je pourrais prendre en considération ? Pourquoi ne pas formuler une critique que je pourrais prendre en considération ?
J’ai découvert la perversion lors des épisodes sur la sexualité. Une agressivité presque généralisée. Un phénomène inquiétant et alarmant. Certains invités ont utilisé des gros mots qui ne le sont pas pour moi, mais je mets des bips pour ne pas choquer.
Pour l’épisode de Alaeddine Ayedi, il y a eu beaucoup de perversion parce que ses vêtements n’auraient pas plu aux Tunisiens.
Il y a beaucoup de haine et d’intolérance. Nous n’acceptons pas la personne qui ne nous ressemble pas. Il y a un problème de tolérance.
Est-ce que Deep Confessions Post a changé votre vision sur certains phénomènes de société ?
Changé, non ! J’avais des doutes, des idées. Je voyais des vidéos avec 2 000 commentaires de haine, et parfois c’est inapproprié. Exemple: des insultes sous le bulletin de la météo. Le Tunisien n’arrive plus à communiquer, depuis une décennie.
Deep Confessions Post est une ode à la tolérance. On peut parler de différents phénomènes qui existent en Tunisie sans tabou.
Gainsbourg fumait à la télé. Je pense aussi, je n’en suis pas sûre, dans les émissions de Néjib El Khattab ; l’espace était plus tolérant. La télévision tunisienne a passé un concert de Naama où Abdelhalim Hafedh tenait une bière.
Le podcast est en train de changer les choses. J’ai reçu des messages de personnes en dépression mais qui ne réalisaient pas, ou qui avaient du mal à faire un deuil.
Il y a parfois des gros mots que je ne trouve pas choquants mais que je censure.
Je trouve qu’ils sont nécessaires, mais le Tunisien ne les acceptera pas. Nous ne nous acceptons pas.
Quel est le témoignage qui vous a le plus touchée ?
Plusieurs témoignages m’ont touchée. Honnêtement, aucun épisode ne m’a pas plu. Mais voir Alaeddine Ayedi pleurer parce qu’il avait des traumatismes pour une question qui m’a paru simple… Marwen Ariane m’a touchée par sa sincérité quand il a parlé de son deuil.
Absi a ému quand il a parlé de lui… On avait de lui l’image d’un rappeur costaud qui travaille dans les boîtes de nuit, sauf qu’il s’est révélé une personne très douce. C’est ce que je retiens de lui.
Si vous aviez la chance d’interviewer une personne, qu’elle soit décédée ou en vie, qui serait-elle ?
Une question difficile ! Je veux inviter beaucoup de gens qui ont contribué à l’histoire de la Tunisie. Il y avait pourtant la télé et la radio, mais nous n’avons aucune trace d’eux. Même pas un article.
J’aimerais interviewer l’artiste Feyrouz.
J’aurais aimé rencontrer feu Hichem Jaiet. J’aimerais aussi interviewer Olfa Youssef, Youssef Seddik…. Des gens de ce calibre.