L’appel au boycott des élections locales, qui auront lieu dans dix jours, ne risque-t-il pas de priver les électeurs au niveau local et régional de participer aux décisions ayant un impact direct sur leur quotidien ? Vaste débat.
Les élections locales prévues le 24 décembre prochain seront-elles un remake des législatives du 17 décembre 2022 ? Lorsque le taux de participation n’avait pas dépassé les 11,4 % et où plusieurs formations d’opposition laissées sur la touche par le coup de force du 25 juillet 2021 avaient boycotté cette échéance électorale ? Par convictions politiques de par leur opposition au projet de la construction par la base souhaité par le président de la République, Kaïs Saïed, avancent certains ; ou par dépit, affirment les mauvaises langues ?
Autre son de cloche du côté de Mohamed Tlili Mansri qui affirme que ce boycott « n’affectera pas le processus des élections locales. Cette échéance électorale repose, essentiellement, sur le facteur de proximité, étant donné qu’elle se déroule au niveau des imadas ». Ainsi explique le porte-parole de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE). Comme s’il prévoyait d’avance que ce scrutin n’attirera pas les foules, dont la totale désaffection à l’égard de la politique est devenue une constante dans plusieurs échéances électorales en Tunisie.
Des signatures prestigieuses
Toujours est-il que plus de huit millions de Tunisiens sont appelés aux urnes pour élire leur représentant dans les conseils locaux et régionaux. Ces futurs élus étant appelés à constituer le Conseil national des régions et des districts, la chambre haute du Parlement. Laquelle se composera de 77 membres : trois par région et un par district. C’est dire que le taux de participation à cette échéance électorale sera scruté et analysé à la loupe.
Et c’est dans ce cadre que plusieurs partis politiques, organisations de la société civile et personnalités indépendantes viennent de lancer une pétition nationale pour appeler au boycott des prochaines élections locales. En appelant à annuler ce scrutin dont elles ne voient « aucune utilité dans un pays traversant une crise politique inédite ». Car elles incarnent à leurs yeux une nouvelle étape sur le chemin du « démantèlement des institutions démocratiques de la République ».
Parmi les signataires de cette pétition de 260 signatures figurent des intellectuels, des universitaires et des représentants de la société civile, ainsi que des hommes politiques. A l’instar de : Youssef Seddik, philosophe et anthropologue; Sana ben Achour, universitaire et juriste; Mohamed Fadhel Mahfoudh, avocat, récompensé en 2015 par le prix Nobel de la paix avec le « Quartet » tunisien ; Bassem Trifi, président de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’Homme (LTDH) ; Mounir Charfi, président de l’Observatoire national pour la Défense du caractère civil de l’Etat. Ou encore des hommes politiques : Hamma Hammami, secrétaire général du parti des travailleurs; Faouzi Charfi, dirigeant du parti Al Massar ; et Nabil Hajji, secrétaire général du Courant démocratique (Attayar).
Dans une pétition collective, les signataires notent que ce rendez-vous électoral « se déroule dans un contexte marqué par une crise politique sans précédent et une répression contre la société civile ».
« Le pouvoir en place engage des poursuites judiciaires contre ses opposants pour interdire le pluralisme politique et mettre fin à l’alternance pacifique au pouvoir ». C’est encore ce qu’on peut lire dans la pétition. Laquelle exhorte les forces démocratiques et progressistes à créer un front uni contre ce qui est décrit comme « le choix autoritaire adopté par le pouvoir en place » et à faire sortir le pays d’une crise « globale et profonde », selon les termes de la pétition.
Mobilisation
Notons dans ce contexte que, sceptiques sur les modalités des élections locales et hostiles au nouveau découpage des circonscriptions électorales, le Front du salut national (FSN), le Parti destourien libre (PDL), le Parti des travailleurs et Afek Tounes ont déjà annoncé leur intention de boycotter cette échéance électorale.
« Le climat politique et social n’est pas propice à tenir cette échéance locale qui ne répond pas aux standards internationaux en matière de démocratie ». C’est ce que déclarait le leader du Front du salut national (FSN), Ahmed Néjib Chebbi ; et ce, lors d’une conférence de presse, le 20 novembre. Tout en préconisant plutôt « des élections législatives et présidentielle anticipées ».
Pour sa part, le Parti destourien libre annonçait, jeudi 23 novembre, le dépôt de trois recours suspensifs contre la convocation des électeurs. Il rappelait, dans un communiqué publié sur sa page Facebook, que sa présidente, Abir Moussi, était en détention depuis 52 jours pour avoir tenté de déposer les demandes relatives à ces recours auprès de la présidence de la République.
Tandis que l’un des dirigeants du Parti des travailleurs, Ammar Amroussia, affirmait aux journalistes qu’il s’agissait d’une « mascarade électorale sans précédent dans l’histoire du pays ». Il s’exprimait ainsi ce dimanche 1er octobre, en marge d’une réunion du conseil national du parti. « Cela détruirait ce qui reste de l’Etat », martelait-il à l’occasion.
Enfin, le parti Afek Tounes a réaffirmé, dans un communiqué publié dimanche 8 octobre 2023, qu’il ne participerait pas aux élections locales prévues en décembre. Tout en appelant les Tunisiens à boycotter ces élections et en les qualifiant de « perte de temps, d’efforts et de ressources ». A nuancer.