L’Argentine a annoncé une forte dévaluation de sa monnaie et des coupes dans les subventions à l’énergie et aux transports. Ces mesures interviennent dans le cadre des mesures chocs que le nouveau président, Javier Milei, juge nécessaires pour faire face à une situation d’urgence économique.
Le ministre de l’Economie, Luis Caputo, a déclaré dans un message télévisé que le peso argentin sera dévalué de 50 %, passant de 400 pesos pour un dollar à 800 pour un dollar.
Le pari du choc
« Pendant quelques mois, la situation sera pire qu’avant », a déclaré le président deux jours seulement après qu’il a prêté serment. L’Argentine souffre d’une inflation annuelle de 143 %, sa monnaie s’est effondrée et 40 % des Argentins sont appauvris. Le pays a également un déficit budgétaire béant, un déficit commercial de 43 milliards de dollars, ainsi qu’une dette impressionnante de 45 milliards de dollars envers le FMI, dont 10,6 milliards doivent être versés aux créanciers multilatéraux et privés d’ici le mois d’avril 2024.
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Dans le cadre des nouvelles mesures, le gouvernement a annulé les appels d’offres pour tous les projets de travaux publics et supprimé certains emplois publics. Et ce, afin de réduire la taille humaine de l’appareil de l’Etat. Le nombre de ministères passera de 18 à 9. Il a également annoncé des réductions des subventions à l’énergie et aux transports, sans donner de détails, ni préciser le montant de ces réductions.
Ces mesures initiales audacieuses visent à améliorer considérablement les finances publiques d’une manière qui protège les plus vulnérables de la société et renforce le régime de change
Pour M. Milei, ces mesures sont nécessaires pour réduire le déficit budgétaire qui est à l’origine des problèmes économiques du pays, notamment de l’inflation galopante.
Le FMI a salué ces mesures, estimant qu’elles constituaient une bonne base pour la poursuite des discussions avec l’Argentine au sujet de sa dette envers l’institution. « Ces mesures initiales audacieuses visent à améliorer considérablement les finances publiques d’une manière qui protège les plus vulnérables de la société et renforce le régime de change », a déclaré le porte-parole du FMI dans un communiqué. « Leur mise en œuvre décisive contribuera à stabiliser l’économie et à jeter les bases d’une croissance plus durable et tirée par le secteur privé ».
Un profil atypique
Tout au long de sa campagne, Javier Milei a souvent répété dans ses discours qu’il n’y avait pas d’argent, afin d’expliquer pourquoi une approche graduelle de la situation n’était pas envisageable. Il a toutefois promis que l’ajustement concernerait presque exclusivement l’Etat et non le secteur privé, et qu’il représentait la première étape vers le retour de la prospérité.
M. Milei, un économiste de 53 ans, s’est fait connaître à la télévision par son opposition contre la classe politique. Sa popularité lui a permis d’obtenir un siège au Congrès. Puis, tout aussi rapidement, de se lancer dans la course à la présidence. Sa victoire écrasante lors des primaires du mois d’août a provoqué une onde de choc dans le paysage politique et a bouleversé la course.
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Les Argentins désillusionnés par le statu quo économique se sont montrés réceptifs aux idées farfelues d’un outsider pour remédier à leurs malheurs et transformer la nation. Il a remporté le second tour de l’élection, le 19 novembre dernier, et a mis au rancart la force politique péroniste qui a dominé l’Argentine pendant des décennies. Toutefois, il risque de se heurter à une opposition farouche de la part des législateurs et des syndicats.
Les Argentins désillusionnés par le statu quo économique se sont montrés réceptifs aux idées farfelues d’un outsider pour remédier à leurs malheurs et transformer la nation
Un chemin de croix
En tant que candidat, Javier Milei s’est engagé à purger l’establishment politique de la corruption. Mais aussi à éliminer la Banque centrale qu’il a accusée d’imprimer de l’argent et d’alimenter l’inflation. De même qu’à remplacer le peso, qui se déprécie rapidement, par le dollar américain.
Mais après sa victoire, il a nommé un ancien président de la Banque centrale au poste de ministre de l’Economie, ainsi que l’un de ses alliés à la tête de la banque, semblant ainsi mettre en veilleuse ses projets de dollarisation tant vantés. Lors de son discours d’investiture, il a toutefois déclaré qu’il n’avait pas l’intention de « persécuter qui que ce soit ou de régler de vieilles vendettas », et que tout homme politique ou dirigeant syndical souhaitant soutenir son projet serait « accueilli à bras ouverts ».
Sa modération peut découler d’un certain pragmatisme, compte tenu de l’ampleur de l’immense défi qui l’attend, de son inexpérience politique et de la nécessité de nouer des alliances avec d’autres partis pour mettre en œuvre son programme au Congrès, où son parti n’occupe qu’une lointaine troisième place en termes de nombre de sièges détenus.