Trois hommes, torses nus et agitant un tissu blanc fixé sur un bâton, émergent au milieu des décombres, à quelques mètres d’un soldat israélien. Celui-ci, dans un état de panique, tire et les tue. L’événement n’aurait pas fait la « Une » des médias internationaux, si les victimes étaient palestiniennes. Ceux-ci tombent par centaines tous les jours et le monde continue à laisser faire.
Les trois hommes abattus étaient des otages israéliens qui avaient réussi à s’enfuir de leur lieu de détention et couraient vers l’armée qui est en guerre, entre autres raisons, pour les libérer. Ils ont été accueillis par une rafale de balles tirées par l’un des milliers de soldats d’Israël sur le terrain programmés, tels des robots, à tirer sur tout ce qui bouge.
On peut se demander quel danger peut poser trois hommes nus et agitant un drapeau blanc sur la vie d’un soldat armé jusqu’aux dents? Aucun évidemment. Mais la mort des trois otages israéliens par ceux-là même qui sont venus les sauver, confirme encore une fois l’intention génocidaire d’une armée qui a pour instructions de transformer Gaza en un lieu inhabitable et de tuer le maximum de Palestiniens. Pas seulement les civils par dizaines de milliers, mais même ceux qui se rendent, les malades dans les hôpitaux et leurs cadres médicaux et administratifs…
L’incident a fait l’effet d’une bombe en Israël, provoquant la consternation de la population et la confusion au sein de la classe politique et de la hiérarchie militaire. Mais l’incident a aussi et surtout contribué à ternir encore plus l’image d’une armée honnie et méprisée, pas seulement dans le monde arabe et islamique, pour le non-respect des principes les plus élémentaires de la morale et des règles de conduite de base que le droit international et le droit humanitaire imposent aux armées en temps de guerre.
En plus de 70 jours de guerre, Israël a commis tous les crimes de guerre possibles et a vidé le droit international de son sens : bombardements de résidences, d’hôpitaux, de centres de réfugiés des Nations Unies, d’écoles et de lieux de culte; privation de la population de nourriture, d’eau, d’électricité et de médicaments; forcer les habitants à fuir leur quartier et les bombarder dans leur fuite; déshabiller des prisonniers, les photographier nus et publier les photos sur les réseaux sociaux etc.
Mais à part ces crimes de guerre épouvantables commis à Gaza, Netanyahu, ses généraux et leur armée n’ont réalisé aucun des deux objectifs déclarés : détruire le Hamas et libérer leurs otages. Non seulement ils n’ont ni détruit le Hamas ni libéré leurs otages, mais plus ils se déchainent, plus le piège de Gaza se referme sur eux.
L’Occident semble finalement s’être rendu compte du danger stratégique que pose le piège de Gaza pour leur allié israélien et cherche désormais à sauver Israël de lui-même. Après de longues semaines de soutien aveugle et d’encouragement d’Israël « à se défendre », le ton a subitement changé et l’on commence à pousser vers l’apaisement et l’arrêt de la guerre.
Ainsi, jeudi 14 décembre, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, était à Tel-Aviv pour signifier à Netanyahu que Washington ne pouvait plus le soutenir dans son déchainement aveugle à Gaza et qu’il devait penser à un cessez-le-feu non pas humanitaire, mais durable.
Trois jours plus tard, le dimanche 17 décembre, c’était autour du chef du Pentagone lui-même, Lloyd Austin, d’atterrir à Tel-Aviv pour se réunir avec les généraux israéliens et leur signifier que le niveau de violence qui sévit depuis à Gaza n’était plus acceptable pour Washington.
En outre, en Europe, les deux plus importants alliés d’Israël, l’Allemagne et la Grande Bretagne, ont subitement changé de ton, plaidant pour un « cessez-le-feu durable ».
En effet, dans un article commun publié dans le Sunday Times de Londres, les ministres des Affaires étrangères britannique et allemande, David Cameron et Annalena Baerbock, se sont exprimés sur un ton qui tranche totalement avec le soutien inconditionnel de Londres et Berlin à Israël depuis le 7 octobre.
Les deux ministres ont notamment écrit : « Un trop grand nombre de civils a été tué. Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour ouvrir la voie vers un cessez-le-feu durable, qui mènera à une paix durable. Notre objectif ne peut pas simplement être de mettre fin aux combats aujourd’hui. Il faut que ce soit une paix qui dure des jours, des années, des générations. »
La France, de son côté, après des semaines de soutien inconditionnel à Israël dans sa guerre contre Gaza et ses habitants, change aussi de ton. En visite dimanche 17 décembre en Israël, la cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna, a plaidé pour « un cessez-le-feu immédiat et durable. »
Que signifie ce changement brusque de l’Occident vis-à-vis du drame biblique de Gaza? Cette nouvelle attitude n’est dictée ni par le respect des principes élémentaires du droit et de la justice, ni par un soudain sentiment d’empathie envers les centaines de milliers de victimes palestiniennes. Il est dicté tout simplement par la conscience qu’Israël, par la politique démoniaque de son gouvernement, se retrouve en grand danger. En un mot, pour Washington, Londres, Berlin et Paris, il faut sauver Israël de lui-même.