Candidat à sa propre succession, Abdel Fattah al-Sissi est réélu, sans surprise, pour un nouveau mandat de six ans. Mais, avec la guerre qui fait rage entre le Hamas et l’armée d’occupation israélienne dans la bande de Gaza, ainsi que la situation plus que préoccupante de l’économie nationale, les lendemains de cette victoire s’annoncent désenchanteurs.
« Les Egyptiens sont pris en tenaille entre la peur du régime et la peur de l’inconnu et du chaos ». C’est ainsi qu’un fin connaisseur de la vie politique égyptienne résume la situation. Ce qui explique, cela va de soi, la victoire sans surprise du président égyptien sortant, Abdel Fattah al-Sissi, 69 ans. Lequel a été réélu dimanche 17 décembre, avec 89,6 % des voix, s’assurant ainsi un troisième mandat de six ans. Le dernier conformément à la Constitution égyptienne.
Loin de passionner les foules, la campagne présidentielle s’est déroulée en novembre; alors que la guerre faisait rage depuis octobre entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza. Un conflit ayant accaparé l’attention des médias et des opinions en Egypte et dans l’ensemble des pays arabes et dont les incidences négatives, notamment dans le domaine du tourisme, ne sont pas négligeables.
Sans concurrence
Selon les observateurs, le résultat du scrutin qui s’est déroulé du 10 au 12 décembre, était prévisible. Malgré l’absence de concurrence sérieuse- l’opposition étant quasiment décimée- le président candidat à sa réélection aura mobilisé les moyens de l’Etat pour sa campagne contre trois candidats peu connus du grand public. A savoir : Hazem Omar, chef du Parti populaire républicain et deuxième du scrutin avec 4,5 % des voix; Farid Zahran, chef d’un petit parti de gauche; et Abdel-Sanad Yamama, patron d’un petitmouvement, le Wafd de Saad Zaghloul.
Selon l’Autorité nationale des élections, sur 67 millions d’électeurs, plus de 39 millions ont voté pour Al-Sissi. La participation aura atteint un taux « sans précédent » de 66,8 %.
La Constitution bidouillée
A la tête d’un pays de plus de 110 millions d’habitants, Abdel-Fattah al-Sissi, le cinquième président issu des rangs de l’armée depuis 1952, était ministre de la Défense en 2012. Il participa au coup d’Etat qui renversa le président islamiste Mohamed Morsi, en juillet 2013. Avant d’être élu président de la République arabe d’Egypte le 28 mai 2014 avec 96 % des voix.
Grâce à une réforme constitutionnelle approuvée par un référendum, mais vivement contestée par l’opposition, il a depuis allongé la durée du mandat présidentiel de quatre à six ans. Puis il a fait modifier la Constitution pour repousser la limite de deux à trois mandats présidentiels consécutifs.
Situation explosive
Mais, il faut bien garder en tête que Al-Sissi a été confortablement élu à deux reprises. Car aux yeux de la majorité de ses concitoyens, il a su imposer un retour au calme en Egypte après le renversement en 2013 de Mohamed Morsi, le président du parti de la liberté et de la justice, formation issue de la confrérie des Frères musulmans.
A savoir que dès le début de son premier mandat en 2014, l’ex-maréchal avait promis de ramener la stabilité, surtout économique. Il effectua à partir de 2016 un ambitieux mais douloureux programme de réformes, avec des dévaluations successives de la monnaie et la diminution des subventions d’Etat.
Résultat : la dette qui se multiplie par trois et qui s’élève désormais à environ 150 milliards de dollars; une inflation qui tutoie les 36,4 %; une monnaie qui perd la moitié de sa valeur; les classes moyennes qui se paupérisent et les prix de certains aliments de base qui augmentent pratiquement chaque semaine. Sans oublier les conséquences de la guerre en Ukraine qui ont affecté le pays du Nil, notamment en matière d’achat d’hydrocarbures et de produits alimentaires. Ainsi, deux tiers de la population égyptienne vivent désormais en dessous ou juste au-dessus du seuil de pauvreté.
Et c’est pour ces raisons que l’Egypte se tourne une fois de plus vers le Fonds monétaire international (FMI). Lequel est déjà intervenu à plusieurs reprises, en 2016 avec un programme de 12 milliards de dollars, puis en mai et juin 2020. Ces appels au FMI accroissent mécaniquement la dette externe; l’Egypte étant désormais le deuxième pays le plus endetté auprès du FMI, après l’Argentine.
Besoin financiers et distribution de la population
D’autant plus que l’instance de Bretton Woods impose plus que jamais des conditions draconiennes. En effet, si l’on évalue les besoins de l’Egypte à 30 milliards de dollars pour rester à flot, le FMI n’accepte de négocier que sur 3 milliards de dollars et demande aux Etats arabes du Golfe, en premier lieu l’Arabie saoudite, de tenter de pallier à la situation.
Une situation explosive pour un pays de plus de 110 millions d’individus, possédant un taux de croissance démographique de 2 % par an, avec la perspective d’atteindre 200 millions à la fin du siècle. Tout ce beau monde vit sur 8 % de la surface du territoire national irrigué par le Nil, le reste étant impacté par les effets du réchauffement climatique, particulièrement sensibles dans la région.