Trois ans déjà. Et déjà une fine connaissance des subtilités du pays. En Tunisie, il y a de bonnes idées, mais il faut passer à l’action. Non que rien n’a été fait, au contraire. Sauf qu’au siècle de la mobilité, de la vitesse et de l’IA, il faut en permanence changer de braquet et mettre le turbo. Observateur avisé et acteur pleinement engagé dans notre effort de développement, l’ambassadeur de l’UE à Tunis M. Marcus Cornaro, sait de quoi il parle. Son constat a des allures de message. Il est aux manettes sur tous les fronts de la coopération et du partenariat Tunisie-UE. Et ils sont nombreux, vastes et variés. Et n’excluent aucune composante de la vie économique, sociale, sociétale et culturelle, tous porteurs de promesses d’avenir. Il en est ainsi de la formation, de la recherche, des jeunes startuppeurs, d’entrepreneuriat féminin, de technologie émergente, d’énergie verte… Il en citera d’autres de son ton jovial, sincère, libre et volontaire. Façon élégante de faire le point sur les relations et l’état de la coopération tuniso-européennes
enracinés dans le passé, structurellement inaltérables et projetés vers le futur en quête d’une destinée commune. Il évoque, avec toute la force du terme, l’intérêt qu’il y a à creuser le sillon de l’accord de libre-échange complet et approfondi pas forcement aux seules couleurs de l’Union mais qui prend davantage en compte les spécificités, les
besoins et les attentes des Tunisiens. Cet homme du Nord aux origines vénitiennes et à la chaleur méditerranéenne s’emploie sans relâche à donner plus de chair à la politique de bon voisinage. La Tunisie, on l’aura compris, a tous les atouts pour profiter du basculement géopolitique mondial et de la recomposition des chaines de valeur, mâtinées near shoring ou friend shoring. On le devine prêt, résolu pour accompagner la Tunisie dans ce redéploiement qui équivaut à un resserrement des liens de la coopération tunisie- union européenne. Et au-delà dans la perspective de la zone Euro-Afrique. Comme pour signifier que la Tunisie a un rôle à jouer et une place à conforter dans ce vaste espace. Interview.
Avant d’être ambassadeur de l’UE en Tunisie, vous avez été directeur du voisinage Sud qui vous a amené à vous rendre plusieurs fois en Tunisie. A ce propos, vous connaissez bien désormais la Tunisie.
D’ailleurs, ma toute première mission en tant que jeune diplômé était en Tunisie en 1986. Une mission sur l’élevage.
A l’époque, le lait était le sujet du jour. C’est dire que, comme vous le dites, la Tunisie est un pays
que je connais bien.
Octobre 2020-décembre 2023. Trois ans après, comment peut-on qualifier les relations Tunisie-UE au regard des principaux critères d’aide : IDE, échanges commerciaux, aide au développement… ?
Ces trois années étaient aussi trois années de crise des deux côtés. Ces crises auxquelles on a pu faire face en fai-
sant valoir un partenariat solide. Je suis venu en Tunisie en pleine crise Covid. Ensuite, est arrivée la guerre en Ukraine et maintenant, il y a une complication additionnelle avec la guerre au Proche-Orient. Il y a aussi le souci climatique et son impact sur la Tunisie. Un défi supplémentaire qui nous mènera à coopérer davantage, non seulement dans le domaine agricole, mais dans d’autres activités comme l’eau et les énergies renouvelables.
Bref, trois ans de crise qui sont venues de pair avec une refonte assez profonde de la transition politique de la Tu-
nisie. C’est une nouvelle étape de la transition démocratique, une nouvelle analyse, de la part des dirigeants, du
positionnement économique du pays.
En période de crise, il n’y a pas que des inconvénients. Il y a des challenges aussi.
Il y a des opportunités et j’espère bien qu’on en tirera le meilleur parti. Je suis, à ce sujet, optimiste. Je commence l’année 2024 avec beaucoup d’espoir. Notre défi majeur, ces dernières années, se situait plutôt autour de la perception et de la communication sur la continuité de cette coopération, et non sur la coopération en soi. C’est d’ailleurs une occasion pour moi, lors de cet entretien, avec votre illustre magazine, de faire le point.
Aujourd’hui, des deux côtés, en Europe comme en Tunisie, on cherche une certaine autosuffisance économique et
stratégique en se libérant d’une certaine dépendance des financements extérieurs. Pour moi, c’est une bonne base de départ. Cela dit, si on en reste là, ce sera une stratégie assez myope. Je pense qu’il ne faut pas s’enfermer dans l’autosuffisance, mais, à partir de ce qu’on a identifié comme ressources propres, essayer de trouver des opportunités pour plus d’ouverture et de collaboration.
L’entretien complet est disponible dans le numéro 884 de l’Économiste Maghrébin, en vente du 20 décembre 2023 au 3 janvier 2024.