Lectrice assidue, traductrice et membre du comité de lecture de la jeune maison d’édition tunisienne « Pop Libris« , Sonya Ben Béhi vient d’accomplir une première littéraire et culturelle celle de traduire le polar mondialement connu Les rivières pourpres de l’écrivain français Jean-Christophe Grangé en langue arabe au bonheur des arabophones. Interview
Pourquoi avez-vous choisi de traduire Les rivières pourpres pour les lecteurs arabophones ? Qu’est-ce qui motive ce choix ?
Sonya Ben Béhi
Le choix de traduire Les rivières pourpres est aussi bien subjectif qu’objectif. Pour les raisons objectives, c’est l’un des romans policiers français les plus populaires et les plus traduits dans le monde. Il est devenu un classique du genre, et s’est vu adapter au cinéma par Mathieu Kassovitz avec Jean Reno et Vincent Cassel comme têtes d’affiche. C’est un roman emblématique puisqu’il a propulsé la carrière de Jean Christophe Grangé qui est devenu une vraie star du polar, et qu’il a changé le statu quo qui postulait que le genre policier est par défaut américain.
Quant aux raisons subjectives, Grangé a toujours été un de nos auteurs préférés à Pop Libris. J’ai lu Les rivières pourpres pour la première fois il y a 20 ans, et je me rappelle l’émerveillement qui a accompagné ma lecture. Le traduire en arabe est à la fois un hommage à l’auteur et une consécration pour l’adolescente que j’étais quand je l’ai découvert.
Pensez-vous que cette traduction sera bien accueillie par les lecteurs arabophones ?
Je l’espère de tout mon cœur. Il y a trop peu de polars traduits en arabe. On trouve plutôt le thriller psychologique ou le roman à suspense « soft », mais pas des policiers classiques comme Les Rivières Pourpres . Ceci dit, le public arabe consomme avidement le polar en films et en séries sur les différentes plateformes, et je crois qu’il sera séduit par l’expérience en lecture, l’adrénaline, les révélations, les personnages désabusés et l’atmosphère lugubre.
Le fait qu’un des personnages principaux est un arabe (lieutenant Karim Abdouf) pourrait aussi rapprocher le roman de ce public.
Si j’ai bien compris, c’est la première fois que ce roman mondialement connu soit traduit en arabe. La réussite de cette traduction pourrait-elle ouvrir la porte à d’autres traductions ?
Absolument ! C’est le projet. Pop Libris compte acquérir les droits de plusieurs romans d’auteurs étrangers connus dans la littérature de genre (mais pas que) et méconnus par le lectorat arabe. Il y a déjà des projets de traduction en cours et des négociations pour les droits d’autres romans.
Acquérir les droits de traduction, traduire, corriger, imprimer et distribuer engendre des coûts. Pensez-vous que cette traduction sera rentable matériellement ? Il est essentiel de rappeler qu’une maison d’édition et la traduction sont certes des projets culturels, mais également économiques, devant maintenir leur pérennité.
Pour être honnête, ce genre de projet ne peut malheureusement pas devenir rentable si on se confine au marché tunisien. Le coût du papier et donc de l’impression est en ascension continue, les charges de la distribution unitaire s’élèvent à la moitié du prix de vente, et les droits des éditeurs se paient en euros/dollars. Mais on espère conquérir le marché arabe pour que le projet devienne rentable. C’est un travail de longue haleine, et heureusement qu’on le fait tous par passion et pas comme gagne-pain.
« on espère conquérir le marché arabe pour que le projet devienne rentable »
Quels sont les prochains projets de Pop Libris ?
Il y a quatre projets de traduction en cours : un récit romancisé que la rencontre de « De Vinci et Michel-Ange », un roman d’anticipation écologique, un roman d’horreur très connu, et un roman noir poétique sur la peine de mort.
Sinon, Pop Libris vient de publier un premier roman d’une jeune autrice de science-fiction, et un nouveau roman du Pr. Lazhar Zanned va être bientôt dans les librairies.
Enfin, les séries jeunesse de poche continuent bien sûr à s’étoffer. D’ailleurs, un numéro spécial est en cours d’édition pour célébrer les 50 numéros.