Joe Biden, un fervent défenseur de l’Etat hébreu, est aujourd’hui décrié dans son propre camp pour son « soutien aveugle à Israël », selon les propos mêmes d’un ancien fonctionnaire du département d’État démissionnaire. Un soutien qui, de l’avis de nombreux démocrates, pourrait lui coûter sa réélection pour un deuxième mandat.
En dépit de la guerre génocidaire menée par l’armée d’occupation israélienne contre la population palestinienne à Gaza, le président américain Joe Biden n’a cessé d’apporter un soutien sans faille à l’Etat hébreu, n’hésitant pas à mettre la main à la poche pour l’octroi d’une aide militaire d’urgence de 14,3 milliards de dollars sur les 124 milliards de dollars reçus depuis la création de l’Etat d’Israël. Et, surtout, en opposant son véto, pour la 35e fois depuis 1970, à une résolution du Conseil de sécurité appelant à un « cessez-le-feu humanitaire immédiat ». Et ce, malgré la pression du secrétaire général qui dénonçait, le 8 décembre dernier, la « punition collective » infligée aux Palestiniens, ainsi que le cri du cœur de Christian Cardon, responsable de la protection au CICR, qui qualifiait la situation dans l’enclave de Gaza de « cauchemar humanitaire ».
Conséquences prévisibles de l’alignement aveugle de l’actuel locataire de la Maison Blanche sur les positions de Tel-Aviv : à dix mois de la présidentielle, le camp démocrate se fissure, ce qui, selon les observateurs, reflète la nette perte de popularité du président sortant, notamment parmi les musulmans américains, les Noirs, les Hispaniques et les jeunes.
Inacceptable sur le plan moral et électoral
La preuve ? Dans une lettre publiée mercredi 3 janvier 2024 sur la plateforme Medium, 17 membres de l’équipe de campagne de Joe Biden pour la présidentielle de 2024 dénoncent anonymement « la réponse de l’administration aux bombardements aveugles que mène Israël à Gaza » et implorent leur patron d’exiger un cessez-le-feu « permanent et immédiat ».
« En tant que membres de l’équipe de campagne électorale, nous pensons qu’il est moralement et électoralement impératif que vous appeliez publiquement à l’arrêt des violences, car rien ne peut justifier la mort de 20 000 Palestiniens, dont 8 200 enfants », affirment les signataires de cette missive. Lesquels demandent également « l’arrêt inconditionnel de l’aide militaire américaine à Israël, une désescalade dans la région et la libération des otages israéliens aux mains du mouvement islamiste Hamas ».
Démissions tonitruantes
Et ce n’est pas tout. Critiquant ouvertement la gestion par l’administration Biden de la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza, Tariq Habash, adjoint spécial au sein du Bureau de la planification, de l’évaluation et de l’élaboration des politiques du ministère de l’Éducation, a démissionné mercredi 3 janvier. C’est le deuxième départ lié au conflit palestino-israélien dans le camp démocrate.
« Je ne peux pas représenter une administration qui déshumanise systématiquement les Palestiniens et permet leur nettoyage ethnique »
« Je ne peux pas rester silencieux alors que cette administration ferme les yeux sur les atrocités commises contre des vies palestiniennes innocentes, dans ce que d’éminents experts des droits de l’Homme ont qualifié de campagne génocidaire du gouvernement israélien », a-t-il détaillé dans un courrier de démission rendu public par le Washington Post.
Par conséquent, « je ne peux pas représenter une administration qui déshumanise systématiquement les Palestiniens et permet leur nettoyage ethnique », écrit le conseiller sur X (ex-Twitter), avant d’ajouter : « Le président doit appeler à un cessez-le-feu permanent ».
« Je ne peux pas être discrètement complice du fait que cette administration ne parvienne pas à tirer parti de son influence en tant qu’allié le plus puissant d’Israël pour mettre fin aux tactiques de punition collective abusives qui ont coupé les Palestiniens de Gaza de nourriture, d’eau, d’électricité, de carburant et de fournitures médicales », poursuit cet Américano-palestinien. Lequel, lors d’un entretien sur CNN mercredi 3 janvier 2024, qualifia le refus du président d’appeler à un cessez-le-feu immédiat et permanent d’« insoutenable au regard de la conviction de millions d’Américains à travers ce pays ».
Pour rappel, la démission de Tariq Habash a été précédée de celle de Josh Paul, ancien fonctionnaire du département d’État, qui annonça en octobre dernier son départ « en raison d’un désaccord politique concernant la poursuite de notre assistance aveugle à Israël ».
Déjà en novembre dernier, plus de 1 000 fonctionnaires de l’Agence américaine pour le développement international (USAID), qui fait partie du département d’État, ont signé une lettre ouverte demandant à l’administration Biden d’appeler à un cessez-le-feu immédiat.
Plus grave pour le candidat à sa propre succession, des dirigeants de la communauté musulmane de plusieurs États clés aux États-Unis se sont engagés en décembre dernier à retirer leur soutien au président Joe Biden en raison de son refus d’appeler à un cessez-le-feu à Gaza.
Ainsi, lors d’une conférence de presse tenue le 2 décembre 2023 en banlieue de Detroit, des démocrates du Michigan ont averti que la gestion de la guerre entre Israël et le Hamas par M. Biden « pourrait lui coûter suffisamment de soutien politique au sein de la communauté musulmane américaine pour influencer le résultat de l’élection présidentielle de 2024 ». Sachant qu’environ 3,45 millions d’Américains s’identifient comme musulmans, soit 1,1% de la population du pays ; ce groupe démographique vote traditionnellement pour les démocrates.
3,45 millions d’Américains s’identifient comme musulmans, soit 1,1% de la population du pays ; ce groupe démographique vote traditionnellement pour les démocrates
Entre la peste et le choléra
Mais ce désaveu envers Joe Biden ne saurait être interprété comme étant un appui à l’ancien président Donald Trump. Lequel, durant son mandat, reconnut en décembre 2017 Jérusalem comme « capitale éternelle et indivisible d’Israël » ; transféra le 14 mai 2018 son ambassade de Tel-Aviv à la ville occupée de Jérusalem ; suspendit en août 2018 l’ensemble des aides, d’une valeur de 365 millions de dollars, à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) ; reconnut en mars 2019 la souveraineté de l’Etat hébreu sur le plateau du Golan syrien occupé.
Enfin, comble de l’infamie, il expulsa manu militari l’ambassadeur palestinien ainsi que sa famille des Etats-Unis après avoir fermé en octobre 2018 les bureaux de l’OLP à Washington. Qui dit mieux ?