Durant la dernière décennie, la Tunisie a obtenu de la part des Institutions financières internationales, notamment, le Fonds monétaire international (FMI), plusieurs financements assorties de conditions excessives sous couvert de réformes financières et monétaires et axés sur la baisse de la valeur de la monnaie nationale, la réforme des mécanismes de la politique monétaire, à l’instar de l’indépendance de la Banque centrale de Tunisie (BCT) et l’adoption de mesures d’ajustement des prix de certains produits de base.
Le pouvoir exécutif a décidé, depuis un certain temps, de renoncer progressivement à coopérer avec les Institutions financières internationales, dont le FMI, car ces mesures ont causé des difficultés pour l’économie nationale et des problèmes sociaux.
S’adressant, en juin 2023, à la directrice générale du FMI, le Président de la République Kaïs Saïed avait souligné « qu’il veille à la paix sociale et qu’il n’est pas prêt à faire assumer au pays les répercussions d’une éventuelle confusion à ce niveau ».
La Tunisie a figuré, pour la première fois depuis son adhésion au FMI en 1958, sur la « liste négative » de l’institution monétaire internationale, rendue publique le 5 janvier 2024. Cette liste regroupe les pays dont la conclusion des consultations a pris des retards dépassant 18 mois, en plus du délai normal de 15 mois, pour des raisons diverses. Il s’agit entre autres du Venezuela, le Yémen, la Biélorussie, le Tchad, Haïti, ou encore Myanmar.
A ce sujet, l’expert en risques financiers, Mourad Hattab a indiqué que la démarche de la Tunisie est judicieuse, étant donné que l’agenda imposé par le FMI aux autorités tunisiennes, au titre des réformes, représente des politiques orientées vers l’austérité, au détriment de la souveraineté monétaire nationale. Cette situation a mené à l’accroissement de l’inflation, à une concrétisation de l’indépendance de la BCT, ainsi que des pertes énormes subies par l’Etat tunisien, et une orientation claire vers des cours de change flottants.
Pour le spécialiste en risques financiers, l’approche de la Tunisie n’est pas éloignée des mutations profondes enregistrées dans la région et dans le monde et qui s’orientent de plus en plus vers l’Est et les blocs économiques émergents, comme une alternative au traitement avec le système de « Bretton Woods » lequel n’a pas changé son approche basée sur l’exploitation des peuples et l’enrichissement à leurs dépens.
« Depuis l’année 2013, le dinar s’est déprécié de 52% face au dollar ce qui a provoqué une déstabilisation du secteur extérieur qui a retrouvé son rythme de croissance après des efforts acharnés», a souligné Hattab. Et d’expliquer que cette situation est due à l’application par certains gouvernements, des politiques du FMI, notamment au niveau de la flexibilité du taux de change.
Le spécialiste en risques financiers a, également, ajouté que l’indépendance de la Banque centrale de Tunisie(BCT) constitue une partie de la politique libérale du FMI, qui étend l’influence du système financier et de ses cartels sur l’Etat tunisien sous prétexte de lui fournir des facilités financières. Et de poursuivre que les négociations avec le FMI ont conduit à une chute libre de la monnaie nationale ce qui a impacté l’économie et la population.
Au cours de la période 2013/2018, l’encours de la dette publique a augmenté de plus de 30,5 % du produit intérieur brut(PIB).
Le taux d’endettement a, également, augmenté de 19% et plusieurs institutions se sont effondrées dont, la Pharmacie Centrale de Tunisie et l’Office des Céréales.
Répondant à une question de TAP sur l’alternative possible et la rupture du lien avec le FMI, l’expert a affirmé que « plusieurs parties politiques prétendent qu’il n’y a pas d’alternative au Fonds alors qu’elles (alternatives) sont nombreuses et les pays d’Asie de l’Est l’ont prouvé en réussissant à couper les ponts avec la mainmise des Institutions impérialistes internationales ».
Il a souligné, dans ce contexte, que les filets internationaux de sécurité financière (Global financial safety net), constituent une alternative respectable en matière de financement et d’investissement, outre les fonds d’investissement qui ont les mêmes capacités du FMI.
Pour Hattab, ces alternatives peuvent permettre à la Tunisie, ainsi qu’aux pays émergents de diversifier leurs sources de financement tout en évitant les impacts des chocs extérieurs.
Avec TAP