Les mouvements de protestation ont repris récemment pour dominer la scène économique et sociale en Tunisie. Ils réclament l’amélioration des fragiles conditions économiques et la résolution de la situation professionnelle de plusieurs acteurs. Les manifestations du mois de décembre 2023 ont maintenu presque le même rythme que les mois précédents, avec 209 protestations recensées dans différentes régions du pays, en maintenant la présence des mouvements traditionnels et familiers, qui étaient la continuation des mouvements des mois précédents. C’est ce qu’affirme l’Observatoire social tunisien (OST) relevant du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES).
Les protestations à caractère central ont prévalu, se concentrant principalement dans le gouvernorat de Tunis avec 49 manifestations. Suit le gouvernorat de Gafsa avec 39 mouvements, puis les gouvernorats de Nabeul, Médenine et Tataouine. Les formes de protestation sont variées, allant des rassemblements, au nombre de 95, aux grèves et aux sit-in, avec une moyenne de 37 sit-in. Ensuite, on recense des appels à travers les médias et les manifestations ont également inclus des déclarations, le port du brassard rouge, ainsi que des situations de tension telles que la fermeture de routes et la mise à feu de pneus. La plupart des manifestations étaient encadrées par des syndicats, représentant 73 % des mouvements organisés. Tandis que le reste conservait un caractère spontané, avec une participation mixte de genres dans la plupart des cas.
Par ailleurs, on relève que des mouvements liés à des causes économiques ou de fond étaient les plus marquants en décembre. La plupart des slogans étant axés sur la revendication des droits financiers, enregistrant 38 mouvements. Les droits des travailleurs, la résolution de la situation professionnelle des enseignants suppléants et d’autres employés ont également occupé les premières places dans les revendications des protestataires. Ainsi, les enseignants et les professeurs ont été les acteurs les plus importants avec 80 mouvements, suivis des travailleurs avec 36 mouvements, puis des employés, des citoyens ordinaires, des activistes et des travailleurs temporaires.
Les sièges administratifs occupaient la première place dans la liste des lieux de protestation, suivis par les médias qui sont devenus un espace important pour relayer les problèmes des acteurs, puis les institutions éducatives qui conservent toujours leur position parmi les premiers lieux de protestation, suivies de la Compagnie des Phosphates de Gafsa, qui a connu une légère réduction par rapport aux mois précédents.
Des revendications économiques
Les revendications économiques dominent la liste des mouvements, non seulement en réaction aux politiques économiques actuelles, mais comme une conséquence prévisible de la fragilité des conditions économiques que vivent plusieurs catégories de la population, et de la fissuration des droits professionnels, en raison de l’échec des plans gouvernementaux à atteindre l’équilibre nécessaire. Les travailleurs souffrent depuis des années de la fragilité de leurs conditions économiques, et les enseignants suppléants réclament la résolution de leur situation professionnelle. Les mouvements persistants des travailleurs temporaires ont également révélé l’ampleur de la précarité économique de cette catégorie, aggravée par l’indifférence des décideurs et leur déni de responsabilité. Leur persistance est un signe de confusion et de l’incapacité à trouver une solution préservant la dignité de cette catégorie fragile.
A chaque secteur ses propres problèmes
Alors, face à l’augmentation des revendications sectorielles et à l’incapacité des décideurs à trouver des solutions fondamentales pour améliorer les conditions sociales et professionnelles des protestataires, la possibilité d’autres formes d’escalade est envisageable dans les mois à venir, en l’absence de réponse des autorités compétentes.
La situation de l‘injustice sociale et économique qui prévaut aujourd’hui dans la société, touchant toutes ses couches, alimente la montée du phénomène de la violence, devenu une réaction naturelle à ce que vivent les individus. Le mois de décembre a enregistré une augmentation des cas de violence conduisant au meurtre, la plupart étant dus à des agressions ou des vols utilisant les mêmes outils (couteau, objet tranchant, arme blanche). Les agressions étaient à la fois collectives et individuelles, la région de Bizerte étant l’une des plus touchées par ce phénomène, en particulier dans les rues. Quant aux cas de suicide, la région de Tunis a été la plus touchée, avec 11 cas. Les jeunes étant les principaux acteurs, augmentant le risque de propagation de ce phénomène lié à une tranche importante de la société.