La mise à l’écart de Marouane Abassi du Forum économique mondial de Davos est « injustifiée ». Car, estime l’économiste Aram Belhaj, « le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie est la personne la plus qualifiée, en ce moment, pour gérer les affaires financières et monétaires de la Tunisie ». C’est quand même oublier le rôle, le poids et les prérogatives du chef du gouvernement qui a fait tout son parcours professionnel au sein de la BCT et de notre argentière nationale : la ministre des Finances et de l’Economie par intérim.
Que signifie l’absence fort remarquée de Marouane Abassi au Forum économique mondial de Davos, le plus grand rassemblement des financiers du monde ? Faut-il hâtivement en déduire qu’il ne serait pas reconduit à la tête de cet établissement public après le 16 février 2024, date de la fin de son mandat ? Lui fait-on payer son entêtement à défendre âprement le sacro-saint principe de l’indépendance de la Banque centrale ?
Les rumeurs vont bon train depuis que le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Marouane Abassi, a été écarté, à la surprise générale, du Forum Économique Mondial de Davos. Alors que l’année dernière, il faisait partie, en compagnie de la ministre des Finances, Sihem Boughdiri Nemsia, de la délégation tunisienne conduite par l’ex-cheffe du gouvernement, Najla Bouden.
Or, cette année, il brille par son absence de la délégation tunisienne menée mardi 16 janvier par le chef du gouvernement, Ahmed Hachani. Laquelle ne comprend que la ministre des Finances, Sihem Boughdiri Nemsia, et le secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger, Mounir Ben Rejiba.
A savoir que la délégation tunisienne, réduite a minima, participe à la 54ème édition du Forum économique mondial de Davos, rendez-vous incontournable du gotha mondial de l’économie et des finances.
Cette grand-messe, qui se déroule cette année du 15 au 19 janvier, devrait voir la participation de 1600 PDG, de centaines de dirigeants d’ONG et de soixante chefs d’État et de gouvernement. Et de, en plus des secrétaires généraux de l’ONU et de l’OTAN et des directeurs généraux de l’OMC et du FMI.
Absence « injustifiée » de Marouane Abassi
A noter à ce propos que Aram Belhaj, docteur en sciences économiques de l’université d’Orléans, actuellement enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Nabeul, estime que l’absence du gouverneur de la BCT au forum de Davos est « injustifiée ». Car, estime-t-il, « il reste la personne la plus qualifiée, en ce moment, pour gérer les affaires financières et monétaires de la Tunisie ». D’autant plus, ajoute-t-il, que « pas moins de 19 gouverneurs de Banques centrales participent au Forum de Davos ».
« Le but du déplacement du chef du gouvernement, Ahmed Hachani, à Davos étant « de vendre l’image de la Tunisie. Néanmoins, la réussite de cette mission est tributaire d’un ensemble d’éléments, dont l’importance de la délégation qui l’accompagne ».
Et de poursuivre : « La situation de la Tunisie nécessite de grands investissements et des financements pour son budget. Davos était l’occasion rêvée pour essayer de récolter des financements pour le budget de l’État ».
« Pour preuve, la rencontre entre Ahmed Hachani et le ministre saoudien des Affaires étrangères, Fayçal ben Farhan al Saoud, ayant abordé la question de l’appui financier à la Tunisie. Cela nécessitait la participation du gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, ainsi que celle d’une délégation d’hommes d’affaires ». C’est ce qu’il a encore estimé lors de son intervention, mercredi 17 janvier 2024, dans l’émission « Midi Show » d’Elyes Gharbi sur les ondes de Mosaïque Fm.
Une réunion « purement protocolaire »
Abordant d’autre part la rencontre « importante » en marge du forum du chef du gouvernement avec la directrice du Fonds monétaire international, Kristalina Georgieva – au cours de laquelle le locataire du palais de la Kasbah a rappelé que la Tunisie avait honoré tous ses engagements financiers extérieurs pour l’année 2023 et qu’elle ne tardera pas à rembourser ses dettes extérieures pour l’année 2024 -, Aram Belhaj a déploré « la détérioration de la relation avec ce bailleur de fonds ». Tout en indiquant que la Tunisie « figure, pour la première fois depuis son adhésion au FMI en 1958, sur la liste négative » de l’institution monétaire internationale.
En effet, rendue le 5 janvier 2024, cette liste à l’instar du Venezuela, du Yémen, de la Biélorussie, du Tchad, Haïti, ou encore de Myanmar, regroupe les pays dont la conclusion des consultations a pris des retards dépassant 18 mois, outre le délai normal de 15 mois, pour des raisons diverses.
« La réunion était purement protocolaire. Rien n’a été annoncé sur les réformes ni sur la reprise des négociations avec le FMI. Or, la Tunisie aurait pu surpasser les problèmes reliés à son dossier auprès du FMI, si Abassi faisait partie de la délégation ». L’expert en économie estime donc que son absence « pourrait compliquer davantage les relations entre la Tunisie et la fonds ».
Paradoxe
Que faire en l’absence d’appui financier de la part de nos bailleurs de fonds traditionnel, s’interroge le professeur en économie? « On espérait voir, dans le cadre de la loi de finances, des mesures efficaces et permettant de parler d’une relance économique […] Malheureusement, au lieu de cela, nous assistons à une approche paradoxale. Ainsi, alors que nous cherchons à compter sur nos propres moyens, la loi de finances table sur des ressources en prêts extérieurs estimées à 16,4 milliards de dinars. Il s’agit d’un chiffre record », a-t-il asséné.
Existe-t-il une approche différente? « Il est possible de continuer à s’endetter, à condition d’investir dans des secteurs prometteurs dans la perspective de relancer l’économie; au lieu de couvrir les dépenses salariales », a-t-il argué. Toutefois, « la dette publique ne devait pas être un fardeau pour les générations futures ».