La Tunisie officielle vient de rejoindre, peut-être sans le savoir, le camp des altermondialistes qui se sont opposés avec force à la tenue régulière de cette rencontre, allant jusqu’à des échauffourées célèbres avec la police suisse
En recevant le Premier ministre après son retour de Davos, le président de la République s’est adressé à lui et surtout aux citoyens tunisiens, pour réitérer sa détermination à ce que notre pays ne plie pas devant les exigences des instances financières internationales qui continuent à poser des conditions, selon lui, inacceptables, pour venir au chevet d’une Tunisie malade de ses finances et surtout de ses créances.
Le « club » de Davos, celui des pays des plus riches de la planète, en a eu aussi pour son grade, puisque vilipendé, indirectement, dans l’adresse présidentielle. Et là la Tunisie officielle vient de rejoindre, peut-être sans le savoir, le camp des altermondialistes qui se sont opposés avec force à la tenue régulière de cette rencontre, allant jusqu’à des échauffourées célèbres avec la police suisse.
Mais alors, pourquoi continuer à fréquenter un club dont l’adhésion est horriblement chère et la fréquentation de son gratin n’est pas aussi productive pour nous que certains le pensent ?
Il est certain, vu la réaction du président de la République à son Premier ministre venu certainement lui rendre compte des résultats de ses démarches, surtout qu’il a rencontré la directrice du FMI, que les résultats des démarches tunisiennes pour faire bouger les lignes sur ce dossier n’étaient pas suffisamment fructueuses. Bien sûr, la faute n’incombe pas à nos représentants dans ce forum, mais à l’obstination de ce fonds à vouloir nous imposer des solutions qui, à court terme, ne peuvent qu’à aboutir à des troubles sociaux. Ça on le sait, car notre pays avait déjà fait les frais de ces mauvais conseils en 1984 avec « la révolte du pain ». Un dicton arabe ne dit-il pas : « Le croyant ne peut être piqué à deux fois, dans le même nid de scorpions » ?
Pourtant, malgré les efforts du gouvernement pour réduire le déficit commercial du pays, le déficit budgétaire reste énorme, surtout que le pays continue à payer ses dettes. Dettes, faut-il le rappeler, contractées pendant la phase dite démocratique pendant dix ans
Une traversée du désert qui semble sans fin
Ne pas plier devant les exigences et les pressions des instances financières internationales est certainement un geste souverainiste que personne, aussi tant soit peu, animé de la ferveur patriotique, ne peut nier ! N’était-ce pas la revendication socio-politique principale des forces sociales et des formations de gauche dont l’UGTT, il n’y a pas si longtemps ? N’ont-elles pas refusé toute privatisation des entreprises publiques même les plus ruineuses pour la trésorerie pour sauvegarder les emplois des salariés ? Pourtant, ces forces ont une lourde responsabilité dans la surcharge en personnel et le recrutement massif, d’ailleurs comme dans la fonction publique pendant la période de « transition démocratique » plombant de fait les capacités financières de ces entreprises ?
Au fait, où en est-on dans les enquêtes sur les dépassements qui ont accompagné ces recrutements et quels sont les résultats à propos des abus, que le président de la République a, à maintes reprises, dénoncé en citant même des cas scandaleux ?
Pourtant, malgré les efforts du gouvernement pour réduire le déficit commercial du pays grâce aux recettes du tourisme, des apports des Tunisiens à l’étranger et de l’exportation de l’huile d’olive, qui ont, faut-il le rappeler, battu des records, et ça fait plaisir, ainsi que la réduction des importations des produits de première nécessité, ce qui a provoqué les pénuries qu’on connaît, le déficit budgétaire reste énorme, surtout que le pays continue à payer ses dettes. Dettes, faut-il le rappeler, contractées pendant la phase dite démocratique pendant dix ans.
Le pays se trouve donc toujours à court d’argent et aucun des pays dits amis ou même frères n’a voulu jusqu’à maintenant lui tendre la main d’une façon conséquente. Ou alors des miettes ou encore mieux des promesses ! Normal, car entre les pays, comme entre les gens, on ne prête qu’aux riches, et le nôtre est désespérément pauvre. La Tunisie traverse actuellement un désert dont les limites sont loin d’être connues. Même la pluie a mis du temps pour nous abreuver et remplir nos barrages, et on est encore loin du compte. La preuve ? Jamais l’eau n’a été autant rationnée, car pendant la décennie « démocratique », on a oublié d’entretenir les barrages ou construire de nouveaux, l’argent ayant été détourné pour d’autres tâches, que nos politiciens de l’époque considéraient plus urgentes. Pourtant tous les politiciens de l’époque, dont la plus part sont en fuite ou en prison, nous abreuvaient de paroles et de promesses sur un pseudo « nouveau modèle de développement », un véritable mensonge économique et surtout une effroyable tromperie politique, car la Tunisie n’avait et n’a le choix que de réformer son vieux modèle économique mis en place par les pères fondateurs de la Nation. Tout le reste n’est que baratin pour des politicards en mal de positionnement et en déficit d’idées novatrices.
Pour écourter cette traversée de désert, il n’y a qu’un moyen : travailler plus et consommer moins, ce que, dans le jargon des années soixante, on appelait “al-taqaushuf“, c’est-à-dire serrer la ceinture. Et pour le travail, Bourguiba a inventé le terme “al-jihad al akbar“ – littéralement la “grande guerre sainte“.
Nous avons à gagner à la prendre pour exemple dans ce domaine, et il y a lieu, maintenant, que les Chinois tentent de nous approcher à suivre leur exemple. Une économie du marché régulée par l’État, et tout ce que peut faire l’entreprise privée ne doit pas être fait par l’État !
Nos politiciens actuels doivent relire les discours de ces pionniers de cette époque et écouter surtout les discours du combattant suprême. Les destouriens, les vrais, le savent très bien, car les temps ne sont pas aux discours de contestations, et même s’ils sont nécessaires, ils doivent viser la reconstruction nationale et le redressement de la Nation. Ce qu’une partie de l’opposition n’a pas compris.
Pour produire plus et mieux exporter, ce que beaucoup de nos hommes d’affaires ont déjà compris, il faut réformer rapidement et efficacement l’administration qui constitue toujours le principal facteur d’inertie. Non pas parce qu’elle est composée de méchants comploteurs, mais parce qu’elle hérite d’une juridiction dans le domaine économique digne des plus grandes bureaucraties soviétiques dont le seul objectif est de bloquer l’initiative privée et même les initiatives étatiques. La Chine, un pays dirigé par un parti communiste, l’a compris à temps, et elle est devenue, grâce à ses réformes économiques, la seconde puissance économique mondiale.
Nous avons à gagner à la prendre pour exemple dans ce domaine, et il y a lieu, maintenant, que les Chinois tentent de nous approcher à suivre leur exemple. Une économie du marché régulée par l’État, et tout ce que peut faire l’entreprise privée ne doit pas être fait par l’État ! Ce qui n’est pas du tout le cas chez nous. Laissons les Tunisiens entreprendre, et ils feront le reste.
Commençons d’abord ce grand chantier que personne n’a voulu entamer depuis 13 ans. La traversée du désert sera plus courte alors.
Compter sur ses propres forces, oui ! mais…
Ce mot d’ordre a été inventé par Mao lorsque la Chine était encerclée et aussi abandonnée par l’ex-Union Soviétique. Mais à l’époque, ce pays comptait déjà plus d’un milliard de bouches à nourrir. C’est loin d’être le cas de la Tunisie actuellement heureusement, car notre pays avait fait du chemin depuis l’indépendance !
Mais ce mot d’ordre, qui semble utopique, n’est pas dénué de sagesse ancestrale. Tout d’abord, de quelles forces, il s’agit ? Il faut rappeler quand même que la Tunisie a appliqué ce principe souverainiste dans les années soixante et a pu remonter la pente et sortir du sous-développement. Commençons d’abord par identifier ces forces, ce qui évidement ne peut pas faire l’objet d’un simple article. Ce qui est curieux et alarmant, c’est que nos institutions académiques, et de recherche depuis « la révolution », n’ont pas cru intéressant de se pencher sur la question des forces sociales et économiques qui constituent la société tunisienne telle qu’elle apparaît dans ces vingt dernières années. Ce dont on est sûr, c’est que notre société et notre économie ont subi des transformations profondes ne serait-ce qu’à cause de l’instabilité politique qui a caractérisé cette décennie. Seuls les chiffres nous indiquent qu’on subit une régression généralisée surtout au niveau des forces productives comme les appellent les marxistes. On sait la confusion qui règne dans les catégories des hommes d’affaires, pas seulement à cause des procès intentés contre certains parmi eux, mais surtout à cause de l’instabilité politique et l’absence de politiques économiques claires des différents gouvernements. On ne peut pas sortir du désert, si la confusion continue et il revient aux organisations patronales d’entamer un dialogue serein avec le gouvernement. La politique de l’autruche n’est pas payante.
On devine la résistance à la réforme à travers la lenteur que prend la promulgation d’une loi pour dépénaliser le chèque en bois ! La libération de l’initiative passe par là ainsi qu’une amnistie générale devenue plus qu’impérative. Dans aucun pays de droit un chèque en bois ne mène en prison car ce n’est pas un crime comme le non-paiement d’une traite.
Quant aux autres forces économiques dont les forces financières et principalement les banques, elles ont plus que jamais besoin d’une remise à niveau générale, car elles ont accusé un retard immense grâce à la rente qui leur vient de l’Etat sous forme de prêts. Nous avons un secteur bancaire qui doit évoluer et se mettre au diapason de l’initiative privée. Le président de la République, qui avait mis le doigt là où il faut, doit impulser cette réforme devenue vitale pour le pays tout entier. On devine la résistance à la réforme à travers la lenteur que prend la promulgation d’une loi pour dépénaliser le chèque en bois ! La libération de l’initiative passe par là ainsi qu’une amnistie générale devenue plus qu’impérative. Dans aucun pays de droit un chèque en bois ne mène pas en prison car ce n’est pas un crime comme le non-paiement d’une traite.
Mais la force qui peut, si elle se met en mouvement, accélérer la traversée du désert, est constituée des PME qui ont fait jadis la gloire de ce pays en faisant émerger la classe moyenne. Mais y a-t-il encore une classe moyenne, quand on voit le nombre de petites et moyennes entreprises qui déposent leur bilan ? Le gouvernement actuel gagner à s’ouvrir aux idées qui ne viennent pas seulement des bureaucrates. Compter sur ses propres forces est possible, faut-il encore savoir choisir le bon chemin.