En réaction à la lettre ouverte adressée au Quartet par certains détenus dans l’affaire de complot contre la sûreté de l’État, le SG de la centrale ouvrière, Noureddine Taboubi, oppose une ferme fin de non-recevoir. Puisqu’il déclare que son organisation « n’interfère pas dans le cours de la justice ». Explications.
Dans l’imaginaire collectif des Tunisiens, la place Mohamed Ali a toujours été au cœur des tempêtes politiques ayant secoué le pays depuis la résistance contre l’occupation française, jouant un rôle essentiel dans la défense des libertés et représentant un solide rempart contre les dérives autoritaires. Or, depuis que sa dernière initiative sur le Dialogue national fût écartée d’une main dédaigneuse par Carthage, la centrale ouvrière semble presque recroquevillée sur elle même, plus discrète, moins mordante. Se murant dans un mutisme assourdissant, Noureddine Taboubi donne l’impression de se détourner de la chose politique pour mieux se concentrer sur la rénovation de son jardin interne. Est-ce pour éviter toute confrontation avec le régime en place en attendant des jours meilleurs, consciente qu’elle laissera des plumes dans un combat perdu d’avance?
Eviter la confrontation
D’ailleurs, le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi n’avait-il pas déjà assuré, mardi 21 novembre 2023, lors d’une déclaration aux médias, que la centrale ne se laissera pas entrainer dans de vains conflits dans le but d’occulter les revendications sociales et nationales légitimes? « L’UGTT a une certaine intelligence et de la sagesse pour ne pas céder à ces tentatives visant à l’entrainer à la confrontation. Nous avons toujours su faire face à nos différends avec les pouvoirs successifs », affirmait-il.
Taboubi : Abir Moussi « est une prisonnière politique »
Mais voila que ces derniers jours, le Secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail, Noureddine Taboubi, a décidé de revenir au devant de la scène politique pour marquer sa présence en sa qualité d’acteur de premier plan. D’une part, en donnant une sorte de caution morale à Abir Moussi, avec qui les relations étaient, de notoriété publique, exécrables. Et d’autre part, en refusant d’interférer dans le dossier brûlant des détenus politiques en Tunisie.
Ainsi, quelques heures après que son organisation a décidé de retirer sa plainte déposée contre la présidente du Parti destourien libre, Taboubi déclara, vendredi 19 janvier 2024 au micro de Mosaïque FM– en marge de la cérémonie de signature d’un accord exceptionnel sur l’augmentation salariale au profit des employés de la société Leoni Tunisie, à Messadine- que l’organisation syndicale considère la présidente du Parti destourien libre, Abir Moussi, comme « une prisonnière politique ».
« Par conséquent, le bureau exécutif a décidé de retirer la poursuite judiciaire de l’UGTT la concernant », a-t-il précisé. Tout en ajoutant que les autres griefs qui lui sont imputés « n’ont aucun rapport avec l’organisation ouvrière ». Et expliquant que la décision de poursuivre Abir Moussi « était une réaction à l’incident d’agression contre le siège de l’UGTT et à l’incitation contre ses dirigeants ».
Pour rappel, ce geste qui ne manque pas de noblesse a été unanimement salué. Et ce, d’autant plus que la présidente du parti destourien est actuellement placée en détention et accusée « d’attentat ayant pour but de changer la forme du gouvernement, d’inciter les gens à s’armer les uns contre les autres ou à provoquer le désordre, le meurtre ou le pillage sur le territoire tunisien ». Sans parler des deux nouvelles plaintes déposées par le président de l’Isie qui lui reproche d’avoir publié deux vidéo sur ses médias sociaux pour accuser l’Instance de « falsification des élections ».
Fin de non-recevoir
Le même jour, en réponse a une la lettre ouverte adressée vendredi 19 janvier 2024 par Ridha Belhadj, Jaouhar Ben Mbarek, Ghazi Chaouachi, Khayam Turki et Issam Chebbi, détenus depuis février 2023 dans le cadre de l’affaire de complot contre la sûreté de l’État– au Quartet ayant obtenu le Prix Nobel de la paix en 2015 dont l’UGTT- Noureddine Taboubi qui les a qualifiés de « détenus politiques » s’est montré intraitable. « Certains détenus politiques ont fait appel à l’UGTT pour intervenir. Je leur réponds que l’UGTT n’interfère pas dans le cours de la justice ».
Par contre, insistait-il, « nous sommes contre la fabrication des dossiers et la politique de la rancune et des règlements de comptes ». Citant à l’occasion l’exemple de l’Afrique de Sud qui a réussi la réconciliation générale ».
Et d’ajouter : « Nous avons confiance en la justice et les juges. Ils ont décidé de leur emprisonnement sur la base d’accusations et de preuves et les détenus ont des avocats pour les défendre ».
Simple coïncidence? Les propos du patron de la centrale syndicale semblent faire écho aux affirmations de la ministre de la Justice, Leïla Jaffel. Celle-ci indiquait lors de son intervention au Parlement, mardi 16 janvier 2024, que « toutes les personnes détenues dans le cadre de l’affaire de complot contre la sûreté de l’Etat ont été informées de leurs chefs d’accusation, contrairement aux rumeurs qui circulent ». Soulignant à cette occasion, « que tous les prisonniers en Tunisie sont inculpés et que personne n’est déféré devant une institution judiciaire, sans chef d’accusation ».
Rappelons enfin que les signataires de la dite lettre ouverte ont appelé le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, le président de l’Utica, Samir Majoul, le président de la LTDH, Bassem Trifi et le bâtonnier, Hatem Mziou « à réagir face à l’injustice et à la répression; ainsi qu’à élever la voix contre l’injustice et la persécution dont sont victimes de nombreux Tunisiens, avocats, syndicalistes, hommes d’affaires et politiciens ».
« Nous nous attendons à une position ferme de votre part. Non pas seulement en raison de votre rôle dans la défense de la liberté et de la dignité des Tunisiens et des Tunisiennes […] Mais aussi, en raison de votre responsabilité, en tant que Quartet ayant organisé un dialogue conduisant à un processus politique incluant une constitution, des élections et des institutions. Vous avez, grâce à cela, obtenu le Prix Nobel de la Paix qui a été célébré comme étant une consécration historique pour la Tunisie », lit-on dans cette missive.