Alors que le Conseil constitutionnel est saisi pour contrôler sa validité et que l’opposition appelle le président Macron à ne pas la promulguer, la nouvelle loi sur l’immigration symbolise l’obsession de la classe politique française pour ce sujet. Ce, alors que la population a d’autres priorités : l’inflation, l’emploi, etc. Une obsession qui reflète la relation toxique avec les immigrations postcoloniales et les quartiers populaires, devenus des enjeux politiques centraux. Or les politiques d’immigration et d’asile actuelles sont déshumanisantes.
Une série de mesures anti-immigration
Après des débats parlementaires animés par des propos xénophobes, la énième « loi immigration » contient un arsenal problématique tant du point de vue de sa validité constitutionnelle que de son efficacité pratique. Préférence nationale, déchéance de nationalité, remise en question du droit du sol…
L’énumération des dispositions phares de la loi donne le vertige et nourrit le sentiment d’assister à une rupture morale et politique avec un certain héritage républicain : instauration de « quotas migratoires »; durcissement des conditions du regroupement familial; restriction au séjour pour les étrangers malades; renforcement des conditions et contrôle applicables en matière d’immigration étudiante, avec la majoration des droits universitaires pour les étudiants extra-communautaires; restriction de l’accès à la nationalité (resserrement des conditions d’accès à la nationalité par mariage et le conditionnement de l’acquisition de la nationalité au titre du droit du sol à une manifestation de volonté); remise en cause du droit du sol (fin de l’automaticité de l’obtention de la nationalité française à la majorité pour les personnes nées en France de parents étrangers); extension du champ d’application de la déchéance de nationalité d’un binational; rétablissement du délit de séjour irrégulier; et enfin, la logique de la « préférence nationale » appliquée en matière d’accès à certaines prestations sociales.
Le spectre de l’inconstitutionnalité plane sur nombre de ces dispositions qui, de jure, constituent une rupture d’égalité, portent atteinte au droit à la vie familiale et à la séparation des pouvoirs… Et qui, de facto, aggraveraient les conditions de vie des étrangers qui sont installés légalement sur le territoire.
Comment en est-on arrivé là?
La traduction d’une dérive idéologique
La nouvelle loi sur l’immigration s’inscrit dans un processus continu de durcissement de la législation en matière d’entrée et de séjour des étrangers en France. Une tendance lourde non remise en cause par la gauche au pouvoir, qui traduit la domination d’une vision anxiogène, sécuritaire et identitaire de la « question de l’immigration ». Une vision qui vire à l’obsession, du moins pour des responsables politiques dont l’agenda prioritaire ne correspond pas à celui de leurs concitoyens. Le contraste est saisissant.
D’un côté, comme le souligne la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) dans son dernier rapport annuel, il y a une montée de la « tolérance à l’égard des migrants ». Du reste, l’immigration n’est pas le premier sujet de préoccupation des Français, elle vient loin derrière le pouvoir d’achat ou la santé. Et pour cause. Si la montée des flux migratoires s’inscrit dans une dynamique mondiale, le discours lancinant sur les arrivées massives d’immigrés relève plus du fantasme que de la réalité. La France n’est pas le pays d’Europe recevant le plus de demandes d’asile, loin s’en faut.
De plus, l’aide médicale d’Etat (AME) n’insuffle nul « appel d’air », contrairement à ce qu’insinuent des membres de la majorité et de l’opposition de droite.
Enfin, l’augmentation des titres de séjour délivrés chaque année concerne d’abord des étudiants étrangers et non une « migration familiale ». La théorie complotiste du « grand remplacement » est un pur fantasme.
De l’autre, l’immigration continue d’obséder des politiques qui surinvestissent sur ce sujet. En trente ans, plus d’une vingtaine de textes législatifs sur l’immigration et l’asile se sont succédé, animés par la même matrice restrictive et réductrice. Des lois qui se présentent formellement comme tendant à améliorer les conditions de vie des immigrés ou améliorer leur intégration, mais qui sapent (par petites touches) leurs droits et libertés.
Emmanuel Macron a largement cédé à cet exercice imposé et au discours anxiogène qu’il charrie, qui puise ses racines toujours plus à droite. Une dérive politique suivie d’effet pratique, comme en témoignent les images de Paris à Calais ou ailleurs, où des forces de l’ordre pourchassent les migrants jusque dans leurs tentes. Que dire du traitement dégradant à l’égard de mineurs isolés étrangers en rétention…
Il est temps que la France renoue à la fois avec les valeurs qu’elle revendique et avec la raison qui devrait guider le débat sur l’immigration. Et ce, à partir des données produites par des études approfondies (les immigrés contribuent économiquement à la richesse nationale et leurs enfants s’intègrent assez rapidement) et non de visions fantasmagoriques…