Dans la perspective de la prochaine élection présidentielle prévue en automne 2024, le président de la République a procédé, mercredi 24 janvier, à un mini-remaniement ministériel marqué par la nomination de trois nouveaux ministres et trois nouveaux secrétaires d’Etat.
Eclairage
Cinq mois après la nomination du chef du gouvernement, Ahmed Hachani, et suite à l’achèvement du processus électoral couronné par la mise en place de Conseil national des régions et des districts, certains partisans du président de la République, dont Mongi Rahoui, lui conseillaient d’insuffler un nouvel élan à ce gouvernement en nommant des poids lourds politiques au sein de l’équipe gouvernementale surtout en cette année d’élection présidentielle.
N’étant pas tout à fait en ligne avec cette logique, Kaïs Saïed a tranché : l’heure est aux réformes économiques, et les ministres et les secrétaires d’Etat qu’il vient de nommer sont des technocrates sans couleur politique ni appartenance partisane.
Ainsi, le locataire du palais de Carthage procède à un mini-remaniement ministériel en nommant, le 24 janvier, trois nouveaux ministres aux départements de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi ; trois postes demeurés vacants depuis plusieurs mois après le limogeage de leurs titulaires. Ainsi que trois secrétaires d’Etat, à raison d’un binôme à la tête de chacun des trois ministères.
Absence fort remarquée
On aura d’abord noté que le chef du gouvernement, Ahmed Hachani, a brillé par son absence à la cérémonie de prestation de serment alors qu’il est dans les us de la République que les ministres et secrétaires d’Etat soient nommés par le président de la République sur proposition du chef du gouvernement.
Le message est clair : depuis l’avènement du 25-juillet, seul le chef de l’Etat est à la barre, il est l’unique maître des horloges ; le locataire du palais de La Kasbah n’ayant le statut que d’un « collaborateur », selon la célèbre expression de Nicolas Sarkozy à propos de son Premier ministre François Fillon. Ou pour parader Jacques Chirac qui tenait à calmer les ardeurs de son ministre de l’Intérieur de l’époque « Moi j’ordonne, lui il exécute » !
Quartet de choc
Ensuite, en étoffant l’équipe économique composée de quatre femmes ministres qui sera chargée de répondre à une urgence économique dans le contexte marqué par d’énormes difficultés économiques et financières que traverse le pays.
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Le gouvernement aura ainsi la lourde charge de redresser les finances publiques et de relancer l’économie. Ce qui explique la nomination de la nouvelle ministre de l’Économie et de la Planification, Feryel Ouerghi, titulaire d’un doctorat en sciences économiques, en remplacement de Samir Saïed, limogé en octobre 2023 pour des raisons pas encore divulguées, ainsi que Fatma Thabet à la tête du ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie, en remplacement de Neila Gonji, limogée en mai 2023.
Ces deux compétences seront en collaboration étroite avec Sihem Boughdiri Nemsia, l’actuelle ministre des Finances, ainsi que Kalthoum Ben Rjeb, ministre du Commerce et du Développement des exportations.
Ce quartet féminin sera également épaulé par Samir Abdlehafidh, secrétaire d’Etat aux Petites et moyennes entreprises, Ouael Chouchane, secrétaire d’Etat à la Transition énergétique, et Riadh Chaoued, secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Formation professionnelle, chargé des Sociétés communautaires.
Féminisation de l’équipe gouvernementale
Suite à ces nouvelles nominations, les femmes, au nombre de 9 ministres, constituent désormais un tiers des membres de l’équipe gouvernementale composée de 24 ministres et 5 secrétaires d’Etat.
Il s’agit notamment des ministres de la Justice, Leïla Jaffel, des Finances, Sihem Boughdiri Nemsia, de l’Economie et de la Planification, Fériel Ouerghi Sebeï, de l’Industrie, des Mines et de l’Energie, Fatma Thabet Chiboub, du Commerce et du Développement des exportations, Kalthoum Ben Rejeb Guezzah, de l’Equipement et de l’Habitat, Sarra Zaâfrani Zenzeri, de l’Environnement, Leïla Chikhaoui. Enfin, de la Femme, de la Famille, de l’Enfance et des Séniors, Amel Belhaj Moussa.
Synergie
Prié de commenter les dernières nominations au gouvernement d’Ahmed Hachani, le professeur universitaire en sciences économiques, Ridha Chkoundali, a expliqué que le président de la République cherche de toute évidence « à instaurer des liens harmonieux entre Carthage et la Place de la Kasbah ».
« Après le limogeage de Samir Saïed, qui était à l’opposé des orientations souverainistes du président, notamment dans le dossier du FMI, Kaïs Saïed veut transformer les mots d’ordre du président de la République en des programmes concrets et matérialiser ses orientations politiques en des approches économiques claires, notamment après avoir brandi son véto contre la levée des subventions et la privatisation des entreprises publiques ». C’est ce qu’il a déclaré dans la soirée du jeudi 25 janvier lors de son intervention à l’émission “Rendez-vous 9“ sur Ettessia TV.
Cela dit, ajoute la même source, « la synergie entre Carthage et le quartet économique composé des ministres de l’Économie, des Finances, de l’Industrie et du Commerce ne saurait s’accomplir sans l’étroite collaboration avec la Banque centrale de Tunisie ».
Faut-il déduire à la lumière des propos de l’intervenant que le gouverneur de la BCT, Marouane Abassi – en fin de mandat à partir du février prochain et qui a été absent, à la surprise générale, du Forum économique mondial de Davos – ne sera pas reconduit à la tête de la Banque des banques parce que son profil de sourcilleux défenseur de l’indépendance de la Banque centrale ne correspond plus au dessein présidentiel ?