Sur la situation de la Société nationale de distribution des pétroles et celle des entreprises publiques en général, M. Khaled Bettine, PDG de la SNDP, se veut rassurant et optimiste, non sans une vigilance de tous les instants. Il s’inscrit, dans son analyse, dans la vision du président de la République. Il est, à ce propos, d’avis que les entreprises publiques restent dans le giron de l’Etat en tant que pilier de l’économie nationale. C’est le cas de la SNDP qui, comme il le confirme, se porte bien. « Nous réalisons des bénéfices. D’ailleurs, l’année dernière et cette année, nous avons réussi à distribuer des dividendes à l’Etat », nous dit-il fièrement. Reste toutefois un bémol : les créances auprès de l’administration et des sociétés de transport. «Si on arrive à récupérer même une petite partie de ces sommes, nous serons en capacité de faire mieux. Nous serons capables d’investir, d’améliorer davantage notre service », nous dit-t-il avec un brin de regret.
Le président de la République a clairement exprimé son refus de céder les entreprises publiques. Pour vous, c’est un engagement, un défi. Celui de montrer que ce secteur public est capable de concurrencer, de faire mieux que le secteur privé. Ce ne sera pas une tâche facile.
Le point de départ est que la SNDP, en tant qu’entreprise publique, doit s’inscrire dans la politique de l’Etat exprimée par le président de la République. C’est d’autant plus vrai que nous sommes en total accord avec cette vision concernant les entreprises publiques.
Nous sommes convaincus qu’elles doivent rester dans le giron de l’Etat pour assurer le service public. C’est important, surtout qu’elles constituent l’un des piliers de l’économie nationale et qu’elles contribuent au développement du pays et à la création d’emplois. C’est le cas de notre société, la SNDP.
Il nous faut relever ce défi. Pour cela, nous avons concentré notre effort sur la bonne gouvernance et les principes de contrôle interne et externe, pour un meilleur audit et pour prévenir tout dérapage. Nous nous sommes, par ailleurs, concentrés sur la politique de la société, ses relations avec ses partenaires et ses clients. Nous avons aussi œuvré à fournir sans discontinuer le carburant. Tout le monde a pu le constater, malgré les quelques perturbations dans l’approvisionnement et la distribution. La SNDP a toujours été au rendez-vous. Elle est celle vers laquelle tout le monde se tourne lorsqu’on est à court de solutions. Les stations Agil ont toujours répondu présentes et nous avons réussi, malgré les demandes grandissantes lors des pénuries, à approvisionner nos stations à temps et ce, partout sur le territoire national, de l’extrême nord à l’extrême sud. Cela vaut pour le carburant, mais aussi pour le gaz qu’on considère comme un produit à caractère social. Sans oublier le kérosène et son importance pour notre flotte aérienne. Nous l’avons fait et nous continuerons à le faire. Nous espérons, toutefois, ne plus connaître des situations comme celles que nous avons vécues en 2023.
Tout cela pour revenir à votre question et à l’importance des entreprises publiques pour assurer le service public. On ne voit pas l’utilité, dans ce sens, de privatiser la SNDP. C’est d’autant plus le cas que c’est une entreprise publique prospère, malgré toutes les difficultés et malgré le fait qu’on évolue dans un environnement incertain et très concurrentiel. Dans notre créneau, que ce soit pour le carburant, le kérosène, le gaz ou l’huile de moteur, nous avons performé dans tous les domaines. Notre part de marché est très honorable. Elle avoisine les 40%. La société enregistre de bons résultats, même s’ils paraissent minimes par comparaison avec le chiffre d’affaires. Faut-il rappeler, à ce propos, que notre société s’acquitte de ses impôts dans les temps. Nous sommes aussi une société qui crée des emplois directs et indirects. Je citerais les stations-service et les emplois qu’elles créent, les dépositaires du gaz, les distributeurs de lubrifiants, les transporteurs, etc. Or, malgré le règlement tardif de notre dû, notamment de la part des institutions publiques, nous arrivons à nous en sortir.
Avoir comme créanciers des institutions de l’Etat, est-ce un vrai problème ?
Du moment que ce sont des institutions de l’Etat, nous ne craignons rien, Nous assurons un service public. C’est vrai que nous ne sommes pas payés à temps, mais nous sommes en train de gérer le problème. Nous comprenons la situation de certaines entreprises publiques comme la SNCFT ou Tunisair et nous ne leur avons jamais mis la pression. Nous avons toujours assuré l’approvisionnement de ces entreprises, malgré leurs dettes qui ont atteint parfois un palier élevé.
Cela dit, il est temps, pour ces entreprises, de penser à régler le problème pour qu’elles arrivent à nous payer à temps et pour que nous puissions, de notre côté, payer l’Etat et la STIR. Nous sommes, parfois, obligés de nous endetter pour leur faciliter la tâche.
Au niveau de la SNDP, nous nous acquittons de notre tâche comme il se doit, il est temps que les autres fassent de même, tout en leur rappelant que la SNDP est et restera compréhensive, du moment que nous comprenons la situation de ces entreprises et du pays en général.
Ne peut-on pas trouver un montage financier pour débloquer la situation ?
L’Etat ne peut-il pas souscrire un crédit à long terme de la BCT pour financer, par exemple, Tunisair qui va payer la SNDP qui paiera à son tour la STIR. Finalement, tout reviendra à l’Etat. Ce sont des crédits consommés qui ne sont même pas inflationnistes. Il est vrai qu’il faut trouver de nouvelles solutions pour relancer l’économie. Et pourquoi pas une solution comme celle que vous venez de proposer, avec un crédit à long terme.
L’Etat doit aussi penser à diversifier ses relations au niveau international. Il y a d’autres bailleurs de fonds que ceux auxquels nous nous adressons depuis toujours. Il ne faut pas se contenter du même cercle. Ce qui prime, ce sont nos intérêts et si nous trouvons d’autres pays dont les intérêts coïncident avec les nôtres, pourquoi pas. Il y a aujourd’hui des pays et des sociétés qui veulent investir en Tunisie. Et le font savoir, il faut simplement identifier les modalités pour le faire.
La prochaine étape doit être celle de la reprise économique. C’est ce qui accélérera l’adhésion de tous les Tunisiens au projet du président de la République. La Tunisie a besoin de la cohésion de tous les Tunisiens autour de la vision du président de la République pour réactiver l’ascenseur social et la dynamique de croissance et de développement. Une nouvelle Tunisie est possible et nous sommes en train de réaliser des avancées. Reste le volet économique. Il faut s’y mettre et c’est possible, si on arrive à exploiter toutes nos ressources.
Propos recueillis par Hédi Mechri et Mohamed Ali Ben Rejeb
Extrait de l’entretien qui est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin spécial Classement du mois de janvier 2024