C’est désormais une des bases de notre économie à devenir : les sociétés communautaires. La théorie, on la connait. Pour le reste, il y avait comme un flou, certains diront artistique, sur la pratique. Un flou désormais dissipé depuis qu’on a eu un secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, chargé des sociétés communautaires. Tout un secrétariat d’Etat qui devra s’atteler à concrétiser l’essai, ce qui devrait, nous dit-on, trouver quelques solutions au problème du chômage des jeunes et à quelques autres problèmes chroniques de notre économie en panne d’idées novatrices.
On ne va pas polémiquer sur l’efficacité de cette nouvelle trouvaille, on dira seulement qu’il était temps de penser à ces jeunes, dont le rêve se résume à une barque de fortune pour aller tenter de vivre ailleurs. C’est désormais chose faite par l’actuel Etat-providence, que nos nouveaux dirigeants croient pouvoir ressusciter, et qui devrait avoir réponse à tous nos maux, sans jeu de mots. Quelques mots tout de même sur la campagne mal menée contre la corruption. La rumeur publique nourrit l’idée que la corruption est à tous les niveaux. Il faut dire qu’elle s’est nour-
rie, pendant des années, des scénarios les plus invérifiables de la corruption ayant gangréné la société à tous les étages. Le fonctionnement pathologique de l’institution gouvernementale tout au long de la dernière décennie n’a pas aidé, il est vrai, à dissiper les craintes et a rendu, de ce fait, plausibles les accusations les plus farfelues dont on se délecte dans les cafés de quartier. Après tout, ces riches, aidés en cela par quelques politiques désireux de prendre part au festin, ont rendu l’idée séduisante. Faut-il toutefois, pour venir à bout de cette gangrène, atteindre
un niveau de crédibilité, sinon d’efficacité, pour inverser la tendance.
Il fallait vaincre les mauvais esprits, sauf que les premières « affaires » ont mis à nu des dossiers, dans l’ensemble, assez bâclés. Cela fait mauvais genre, même quand on sait depuis la nuit des temps que les plus corrompus savent se cacher en se « couvrant » par des largesses aux politiques influents, sans vraiment regarder à la couleur. La rumeur publique, les discussions de café et les réseaux sociaux ont fait le reste. Le reste, c’est que tout le monde est réputé pourri, sans attendre la confrontation des arguments et des preuves. L’ennui supplémentaire avec l’Etat omnipotent,
c’est qu’il ancre a contrario l’idée que les opprimés ont nécessairement réponse à toutes les frustrations. Une logique qui veut que le bon peuple a des réponses solides dans le domaine économique, en particulier en termes de comp-
tabilité frauduleuse. Il est un « as » dans ce domaine et il l’est pour les autres, par une espèce de contamination. Or, ce postulat relève de la pure spéculation. L’exemple le plus caricatural a été fourni par les dernières élections locales.
Les plus critiques, ou les plus sarcastiques, ont même noté que le taux de participation à ces élections montre, au-delà des ragots de café sur les éventuels corrompus et les prevenus comploteurs, un certain dégoût de la chose publique.
Il y a des lendemains d’élections comme il y a des lendemains de bal, masqué ou à découvert. Il y a surtout des créances à payer nécessairement parce que les bienfaiteurs ne sont pas obligatoirement des gogos. Ces bienfaiteurs ont même inventé ce qu’ils appellent la traçabilité de l’argent. Et même quand le commun des Tunisiens ne
voit pas où est passé son argent, la facture tombe à la fin du bal, sans les masques.
Cette chronique a été publiée au N°887 de l’Économiste Maghrébin du 31 janvier au 14 février 2024