Qui s’y attendait? A la surprise générale, le porte-parole de l’ISIE Mohamed Tlili Mansri, a déclaré que « la loi n’empêche pas tout individu faisant l’objet de poursuites judiciaires de se porter candidat à la présidentielle ». Rien n’empêchera par conséquent la présidente du PDL, Abir Moussi, incarcérée depuis le mois d’octobre 2023 et lavée de cette hypothèque judiciaire, de s’engouffrer dans cette brèche.
Fin de spéculations sur la date de la prochaine élection présidentielle : selon le porte-parole de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), le scrutin aura lieu l’automne prochain. Ainsi, Mohamed Tlili Mansri confirme, dimanche dernier, sur les ondes de Mosaïque FM, que l’Instance « procédera directement à l’approbation du calendrier de l’élection présidentielle de 2024. Et ce, après la mise en place du Conseil national des régions et des districts, qui devrait avoir lieu en avril ».
« L’élection présidentielle aura lieu en septembre ou en octobre 2024. D’ailleurs le budget pour la présidentielle a été alloué », a-t-il révélé. Ajoutant que deux seules conditions ont été modifiées par la Constitution de juillet 2022 concernant les candidatures à la Magistrature suprême. A savoir : « l’âge minimum porté à 40 ans et la nécessité de ne disposer que d’une seule nationalité, la tunisienne sur trois générations. »
Pas d’exclusion
Mais quid de l’inéligibilité des personnes ayant été condamnées à de la prison ou faisant l’objet de poursuites judiciaires à l’élection présidentielles prévue cette année?
Dans une interview accordée à l’agence TAP le 4 février en cours, le porte-parole de l’ISIE a expliqué que les conditions de candidature prévues par la loi organique n°2014-16 du 26 mai 2014 relative aux élections et aux référendums « ne prévoient pas la présentation ou le dépôt du bulletin n°3 (Bulletin du casier judiciaire du citoyen) ».
Et de conclure : « Cela signifie que toute personne faisant l’objet de poursuites judiciaires ou incarcérée peut se porter candidate à l’élection présidentielle. »
« Tout individu qui répond aux conditions prévues par la loi électorale en vigueur, peut se porter candidat à l’élection présidentielle de 2024 », a déclaré M. Mansri. Ajoutant que « la loi n’empêche aucun individu faisant l’objet de poursuites judiciaires de se porter candidat à la présidentielle ».
Contre vents et marées
Ainsi, si l’on prenait au mot les déclarations, sans équivoque, du porte-parole de l’ISIE- un homme qui de part ses fonctions ne parle pas à la légère et qui pèse soigneusement ses mots, d’autant plus qu’il s’adressait à une agence officielle- la loi n’empêcherait pas les détenus politiques, dont la présidente du PDL, Abir Moussi, de se porter candidate à la prochaine présidentielle. Même du fond de sa cellule!
La preuve? S’exprimant dimanche 28 janvier dernier lors d’une rencontre organisée à Sfax consacrée à la présentation du programme du PDL dans le domaine de la Jeunesse, la transition numérique et l’intelligence artificielle, Karim Krifa, membre du Bureau politique du Parti Destourien Libre (PDL) et du Comité de défense de Abir Moussi, a annoncé que la présidente du parti présentera sa candidature à la prochaine élection présidentielle.
Abir Moussi, une concurrente sérieuse?
La présidente du parti destourien qui croupit encore au pénitencier de la Manouba en dépit de la décision prise par le juge d’instruction de classer les accusations à caractère criminel en vertu de l’article 72, en simples délits loin du chef d’accusation le plus grave étant « attentat ayant pour but de changer la forme du gouvernement, incitation des citoyens à s’armer les uns contre les autres et provocation de désordre sur le territoire tunisien »; sera-t-elle une concurrente sérieuse au chef de l’Etat Kaïs Saïed, qui, à n’en pas douter, sera candidat à sa propre réélection?
Les observateurs politiques s’accordent à penser que si on se réfère aux baromètres politiques des dernières années, notamment aux pronostics d’Emrhod Consulting qui donnaient en juin 2022 Kaïs Saïed à 70 % des voix, alors qu’ils n’accordaient que 8 % des voix à sa principale concurrente Abir Moussi, la course à la présidentielle est pliée d’avance, faute de concurrence sérieuse.
Toutefois, font remarquer les mêmes observateurs, à la même date, Abir Moussi caracolait à 33 % des intentions de vote des élections législatives. Entre temps, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Et Mme Moussi est auréolée de son statut de « victime », ses partisans dénonçant une « détention abusive » et une « injustice politique » à son endroit. Sans oublier les propos forts remarqués de Noureddine Taboubi, Secrétaire général de l’UGTT. Ce dernier a en effet déclaré le 19 janvier dernier que Abir Moussi était une « prisonnière politique ».
Or nul n’ignore sa capacité à mobiliser sa base militante destourienne et même à recruter au-delà. Ni sa détermination à se battre jusqu’au bout. Réussira-t-elle malgré sa personnalité clivante et son sens inné de la provocation à fédérer sous sa bannière les familles politiques au sein d’un projet commun? Et ce pour faire de l’ombre au président de la République, grand favori de la prochaine élection présidentielle?