Almotaz Abadi, le Secrétaire général adjoint de l’Union pour la Méditerranée chargé de l’eau, environnement et économie bleue apporte un éclairage sur la Méditerranée et les enjeux du monde de demain. Nous l’avons rencontré en marge de la première journée du Forum méditerranéen de l’Eau, qui se tient en ce moment à Tunis, du 5 au 7 février 2024. Il met l’accent sur les défis à relever pour les deux rives de la Méditerranée. Interview.
La question de l’eau suscite-t-elle l’intérêt de tous?
Il est indéniable que la région méditerranéenne est confrontée à une problématique commune. Avec notamment la pénurie d’eau, exacerbée ces dernières années par une forte pression due au stress hydrique. Cette situation découle de plusieurs facteurs, dont la croissance démographique soutenue, entraînant une demande dépassant l’offre disponible, ainsi que les impacts du tourisme et les défis liés à la souveraineté alimentaire. Les gouvernements auraient pu anticiper cette crise, mais le changement climatique est venu aggraver la situation, avec une hausse de 2 degrés Celsius par rapport à la normale dans la région méditerranéenne, faisant de celle-ci l’un des « hotspots » de la crise climatique. Cette augmentation des températures devrait accélérer l’évaporation et intensifier les sécheresses, réduisant ainsi les précipitations.
En outre, le stress hydrique se manifeste également par des épisodes d’inondations, comme ceux tragiquement observés à Derna en Libye et à Naples en Italie l’année dernière. D’autre part, une grande sécheresse persiste sans solution viable, mettant en évidence le besoin urgent d’une planification proactive. Au-delà des cycles électoraux, il est crucial de mettre en place une gouvernance efficace et de développer de nouveaux modèles de gestion de l’eau, impliquant notamment un partenariat public-privé. C’est dans ce contexte que l’économie circulaire se révèle indispensable, permettant de maximiser l’utilisation des ressources hydriques disponibles tout en réduisant les impacts environnementaux.
En quoi consiste l’économie circulaire?
L’économie circulaire consiste à maximiser l’utilisation des ressources en minimisant le gaspillage et en favorisant la réutilisation, la régénération et le recyclage des matériaux. Lorsqu’elle est appliquée au domaine de l’eau, cela signifie que chaque goutte d’eau doit être valorisée et réintégrée dans un cycle durable. Cela implique notamment le traitement des eaux usées pour les rendre réutilisables, ainsi que le dessalement de l’eau de mer pour répondre aux besoins en eau douce. Ces processus s’appuient sur des sources d’énergie renouvelable, comme l’énergie solaire ou éolienne, et des techniques de purification avancées pour garantir la qualité de l’eau. De plus, l’extraction du méthane des eaux usées et la valorisation de la biomasse contribuent à réduire l’empreinte environnementale de ces processus tout en limitant la production de déchets.
Quel est l’investissement requis ?
Le coût de l’énergie représente un investissement particulièrement rentable. Il est crucial d’adopter une perspective macro-économique, car notre tendance à envisager les problèmes de manière à court terme est problématique. Il est primordial de reconnaître l’importance de la biomasse par rapport au nucléaire. La biomasse est la matière présente dans tous les organismes vivants et leurs résidus. Et elle constitue une source d’énergie essentielle grâce au carbone qu’elle renferme. La biomasse végétale, issue des matières organiques des végétaux, joue également un rôle majeur dans ce contexte.
Par ailleurs, d’autres projets, tels que l’énergie éolienne exploitant l’énergie cinétique des masses d’air en mouvement, représentent des solutions prometteuses aux défis énergétiques. Il est crucial de reconsidérer nos habitudes de consommation quotidiennes pour les rendre plus responsables, notamment à travers des campagnes de sensibilisation. Cependant, il est important de reconnaître que ces initiatives ne peuvent pas être mises en œuvre du jour au lendemain. Un changement de cette envergure nécessite un engagement à long terme, probablement sur une période de 20 ans, et cela commence dès à présent. Pour parvenir à un tel résultat, il est impératif d’intégrer le partenariat privé et de promouvoir un modèle économique durable et responsable, un véritable changement de paradigme. Prendre l’exemple du dessalement et du sel, il est essentiel d’envisager l’utilisation optimale de ces ressources en tenant compte de tous ces éléments. En fin de compte, il est essentiel de développer une vision à long terme pour aborder les défis actuels de manière efficace.
Comment pouvons-nous garantir une mise en œuvre efficace des politiques adaptées à la région méditerranéenne pour relever les défis environnementaux et socio-économiques?
On pourrait discuter de ces enjeux indéfiniment, mais il est crucial de prendre des mesures concrètes. Nous devons adopter une perspective globale, en reconnaissant le rôle central de la Méditerranée dans ces défis et l’importance d’une action concertée. Tels sont les enjeux de la Méditerranée pour un avenir durable.
La mise en œuvre de politiques adaptées à la zone méditerranéenne est essentielle, car nous détenons la clé pour faire face à ces défis. Nous devons être prêts dans quelques mois, car la planification de ce forum méditerranéen est en cours depuis plus d’un an. J’ai eu l’occasion de rencontrer le ministre des Affaires étrangères et celui de l’Agriculture pour discuter de ces questions. Au cours des prochains jours, nous espérons formuler des recommandations concrètes, avec une forte participation des différents pays représentés, notamment la Tunisie qui accueille ce forum. La voix de la Tunisie est déjà très influente dans ces discussions. Nous travaillons sans relâche pour encourager la participation des femmes, notamment celles engagées dans la diplomatie scientifique.