A quelques mois de la présidentielle américaine qui aura lieu en novembre prochain, la question de l’immunité pénale pour les locataires de la Maison Blanche suscite débats et controverses. Faut-il protéger le chef d’État en exercice contre des poursuites judiciaires motivées? Afin de préserver la stabilité institutionnelle. Quitte à ouvrir la voie à l’impunité et aux comportements répréhensibles susceptibles de tomber sous la coupe de la loi? Comme ce fut le cas pour l’ancien 45ème président des Etats-Unis.
Ainsi, la Cour d’appel fédérale du district de Columbia a tranché hier mardi 6 février : Donald Trump n’a pas droit à l’immunité pour les crimes dont il est accusé à Washington, en lien avec ses efforts pour inverser les résultats de l’élection présidentielle de 2020.
Concrètement, le rejet par cette haute instance judiciaire de la demande d’immunité pénale de Donald Trump ouvre la voie à son procès à Washington pour tentative d’inverser illégalement les résultats de l’élection de 2020. Alors que les avocats du grand favori des primaires républicaines se démènent comme le diable pour reporter ses divers procès au pénal, le plus tard possible après le scrutin présidentiel prévu en novembre 2024.
Pas d’immunité « absolue »
En effet, la défense de Donald Trump revendiquait une « immunité absolue » pour ses actes commis alors qu’il était à la Maison-Blanche. En invoquant d’une part une jurisprudence de la Cour suprême des années 1980 concernant des poursuites civiles contre l’ex-président Richard Nixon. Et arguant d’autre part que son client ne peut être jugé dans cette affaire en raison de son acquittement lors de la procédure parlementaire en destitution à son encontre pour l’assaut du Capitole, le 6 janvier 2021, lors duquel des centaines de ses partisans avaient tenté d’empêcher la certification de la victoire de Joe Biden.
« Permettre qu’un président soit poursuivi pour ses actes officiels ouvrirait une boîte de Pandore dont ce pays pourrait ne jamais se remettre », avait averti devant la cour d’appel l’avocat de Donald Trump, John Sauer.
« Si l’immunité n’est pas accordée à un président, tous les futurs présidents qui quitteront leurs fonctions seront immédiatement mis en accusation par la partie adverse. Sans immunité totale, un président des États-Unis ne serait pas en mesure de fonctionner correctement ». Ainsi renchérissait le porte-parole de la campagne de Donald Trump, Steven Cheung.
Le Président devenu simple citoyen
« Nous avons mis en balance l’intérêt revendiqué par l’ex-président Trump à une immunité avec l’intérêt public vital de permettre à cette procédure de continuer ». C’est ce qu’expliquent pour leur part les trois juges de la cour d’appel. Ils ont donc confirmé le verdict prononcé en première instance en décembre.
Or, « pour les besoins de ce dossier pénal, l’ancien président Trump est devenu le citoyen Trump, avec les mêmes protections que n’importe quel autre prévenu. Mais toute immunité relevant du pouvoir exécutif, qui aurait pu le protéger lorsqu’il était président en exercice, ne le protège plus contre ces poursuites ».
« Nous ne pouvons pas accepter l’affirmation de l’ancien président Trump selon laquelle un président a une autorité illimitée pour commettre des crimes qui neutraliseraient le contrôle le plus fondamental du pouvoir exécutif », ont encore écrit les trois juges.
Et de conclure solennellement : « Nous ne pouvons pas non plus approuver son affirmation selon laquelle l’exécutif a carte blanche pour violer les droits des citoyens individuels à voter et à voir leurs votes comptés. »
Moi ou le chaos
Prédisant «le chaos dans le pays» si la justice américaine ne renonçait pas aux poursuites à son encontre, Donald Trump a aussitôt dénoncé un jugement « destructeur pour le pays ».
« Si la décision de la Cour d’appel fédérale n’est pas annulée comme elle doit l’être, cette décision portera gravement atteinte non seulement à la présidence; mais aussi à la vie, au souffle et au succès de notre pays », a-t-il écrit avec son habituel langage fleuri sur son réseau Truth Social. Avant d’annoncer qu’il fera appel à cette décision devant la Cour suprême des États-Unis.
Temps judiciaire
Faut-il pour autant avancer que le procès de Trump à Washington aura bel et bien lieu avant le mois de novembre 2024, date de l’élection présidentielle?
Notons que le magnat de l’immobilier joue la carte du temps. Inculpé dans quatre affaires criminelles, dont trois au niveau fédéral, du jamais vu pour un président américain, le candidat républicain à l’élection présidentielle ne recule devant rien pour mettre en place des procédures d’appel. Et ce, afin de repousser son rendez-vous avec la justice à une date ultérieure à l’élection présidentielle.
Or, il peut gagner son pari. D’autant plus qu’il n’est pas du tout certain que la Cour suprême des Etats-Unis accepte d’examiner la question de l’immunité pénale. En effet, rien n’oblige les neuf sages dont trois ont été nommés à l’époque par Trump, de rendre une décision rapide. Retour à la case départ.