Alors qu’une offensive sur Rafah fait craindre de nouveaux massacres de Palestiniens par l’armée israélienne, la tension est palpable entre J. Biden et B. Netanyahou. Le président américain est sous la pression internationale et surtout sous la pression d’une partie de plus en plus importante de l’électorat démocrate en faveur d’un « cessez-le-feu ». Une pression qui s’exprime en pleine campagne présidentielle et qui pourrait se traduire par une abstention d’une jeunesse démocrate qui serait fatale pour J. Biden. Cette perspective pousse ce dernier à questionner lui-même la stratégie israélienne et à critiquer (en privé) le Premier ministre israélien, qu’il n’arrive pas à influencer. La montée des tensions bilatérales demeurent toutes relatives au regard de la profondeur des relations entre les Etats-Unis et Israël.
Le soutien américain à Israël s’explique par des raisons d’ordre à la fois stratégique, mais aussi symboliques et immatériels : sentiment partagé d’un destin lié, à partir d’une lecture du monde d’inspiration biblique et mystique. C’est ainsi que les plus ardents soutiens à Israël aux Etats-Unis se situent non pas dans la communauté juive américaine (dont une proportion importante affiche une critique de la politique coloniale israélienne), mais parmi les évangélistes (près de 50 millions), des chrétiens sionistes.
Chrétiens sionistes aux Etats-Unis et sionisme religieux en Israël
Une réalité politique américaine qui rejoint l’évolution de plus en plus religieuse du sionisme en Israël. Si des forces politiques issues de ce sionisme religieux sont aujourd’hui au pouvoir, le tournant en la matière remonte à la fin des années 1970. Le mouvement « Goush Emounim » (« Bloc de la foi ») se trouve conforté par l’arrivée au pouvoir de la droite nationaliste incarnée par le Likoud. Laquelle accélère l’accaparement des terres arabes et la colonisation.
Si les considérations sécuritaires demeurent, une lecture religieuse s’affirme avec force dans la volonté de judaïser les territoires occupés. Le mythe du « Grand Israël » incluant la Judée et la Samarie (et donc une grande partie de la Cisjordanie) nourrit la quête d’une continuité territoriale entre les colonies israéliennes. Il conduit à l’extension des quartiers de colonisation et à la constitution de véritables villes, reliées par des routes dites « de contournement » accessibles aux seuls colons. La Cisjordanie devient donc un territoire mité. Les restrictions de circulation en son sein en accentuent le morcellement. Enfin, un plan de judaïsation de Jérusalem-Est est clairement à l’œuvre à travers l’installation de Juifs dans la vieille ville arabe et dans ses alentours par voie d’expropriation et en raison du peu de nouvelles constructions.
Une dérive ethno-religieuse, qui pèse de plus en plus sur l’ordre civil, social et politique, comme l’attestent les discriminations à l’encontre de la minorité arabe israélienne au sein d’un État qui se définit officiellement comme « État juif en Terre d’Israël ».
Soutien américain et autonomisation israélienne
L’indéfectible relation américano-israélienne est attestée par une série d’indices : Israël est le premier destinataire de l’aide financière, civile et militaire étrangère par tête du budget américain; au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies, depuis des décennies, les Etats-Unis usent systématiquement de leur veto contre toute proposition de résolution condamnant les actions israéliennes (colonisation de territoires occupés, violation des conventions de Genève, opérations militaires contre les Palestiniens à Gaza ou contre des voisins arabes, comme le Liban). Toujours sur le plan diplomatique, le 6 décembre 2017, le président D. Trump a reconnu Jérusalem capitale d’Israël et a décidé d’y transférer l’ambassade des Etats-Unis. Une décision confirmée par le président J. Biden, mais qui demeure isolée sur la scène internationale. La partie Est ou arabe de la « Ville sainte » (selon les trois grandes religions monothéistes, le judaïsme, le christianisme et l’islam) est en effet occupée et colonisée par Israël depuis 1967 (« guerre des Six jours »). Une annexion contraire au droit international.
Le soutien américain a permis à Israël de s’imposer progressivement comme une sorte d’« hyperpuissance régionale » et une puissance technologique. Il n’empêche, les Palestiniens existent et ne disparaîtront pas sauf à commettre un génocide et un nettoyage ethnique dont les Etats-Unis devraient également répondre…