Déplacés de force, les Gazaouis redoutent une opération militaire israélienne à Rafah, ville du sud de la bande de Gaza réduite à un champ de ruines par l’armée israélienne où l’aide humanitaire y entre au compte-gouttes. Prélude à l’Exodus vers le désert du Sinaï ?
Les Palestiniens sont-ils en train de revivre le scénario cauchemardesque de la « Nakba », lorsque 700 000 de leurs ancêtres avaient été expulsés de leurs maisons et de leurs terres lors de la création de l’État juif en 1948 ?
Opération militaire « puissante »
En dépit de la réaction internationale hostile à l’opération militaire prévue par Israël à Rafah – même le président américain Joe Biden, fervent soutien à l’Etat hébreu, a rappelé au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu son opposition à une opération militaire israélienne à Rafah « n’assurant pas la sécurité des civils ». Et malgré le communiqué conjoint publié également par le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande qui prédit qu’« une opération militaire sur Rafah serait catastrophique », et qui appelle par conséquent à « un cessez-le-feu humanitaire immédiat à Gaza », Benyamin Netanyahou a promis de poursuivre la guerre à Gaza et de lancer une opération militaire « massive » contre Rafah, au sud de la bande de Gaza.
« Nous nous battrons jusqu’à la victoire complète. Cela inclut également une opération puissante à Rafah, une fois que nous aurons procédé à l’évacuation de la population civile des zones de combat », a-t-il précisé mercredi 14 février sur X.
Pour rappel, les menaces agitées par Benyamin Netanyahou interviennent alors que des négociations en vue d’une trêve entre Israël et le Hamas se sont poursuivies mercredi au Caire sur fond de craintes d’une opération israélienne sur la ville de Rafah. A savoir qu’environ 1,4 million de personnes, la plupart déplacées par la guerre, s’entassent dans cette ville transformée en un gigantesque campement sans eau ni électricité ni nourriture ; la seule ville dans la bande de Gaza où l’armée d’occupation israélienne n’a pas encore lancé d’assaut.
L’Égypte sur les dents
Côté égyptien, l’opération militaire imminente au sol à Rafah met Le Caire sur les dents : les tensions sont montées d’un cran entre Le Caire et Tel-Aviv depuis l’annonce de l’imminence d’une « opération massive » militaire à Rafah qui se situe à la frontière avec l’Égypte et où près de 1,4 million de Gazaouis s’entassent à ses portes.
C’est que le régime du président Abdelfattah Al-Sissi redoute le scénario d’un transfert partiel ou total de la population de Gaza vers le désert du Sinaï. D’abord, car cela violerait la souveraineté du pays du Nil et sa sécurité nationale. Ensuite, de peur d’un second exode du peuple palestinien ; le souvenir de la Nakba reste très vif dans la mémoire du peuple égyptien, très attaché aux vestiges du nationalisme arabe et particulièrement à la cause palestinienne.
L’Égypte « met en garde contre les graves conséquences » d’une intervention militaire israélienne à Rafah, avertit un communiqué du ministère des Affaires étrangères égyptien publié dimanche 11 février. « Attaquer Rafah « serait une façon d’appliquer la politique qui consiste à pousser le peuple palestinien à l’exode vers le Sinaï égyptien », ajoute la même source.
Mais au-delà des communiqués tonitruants, l’imminente offensive israélienne serait-elle un casus belli pour Le Caire ?
La vérité, c’est que la marge de manœuvre des Égyptiens est limitée : ils ne peuvent que protester et invoquer l’appui de Washington pour empêcher une offensive dévastatrice, qui pourrait pousser des centaines de milliers de Gazaouis à tenter de fuir vers le Sinaï.
« Nous ne nous opposons pas aux plans d’Israël d’attaquer les quatre bataillons du Hamas qui se trouvent à Rafah (sic), mais nos lignes rouges sont claires : qu’il n’y ait pas de massacre et que cela n’implique pas un afflux de déplacés vers le Sinaï. Il faut donc évacuer les civils vers le nord de la bande de Gaza, mais on ne voit pas trop comment cela est possible », commente une source diplomatique égyptienne. L’enclave a été réduite à un champ de ruines par l’armée israélienne, et l’aide humanitaire y entre au compte-gouttes.
Réaction molle
Selon le Wall Street Journal, si, dans le sillage de l’offensive israélienne, une vague de Palestiniens franchissait la frontière, ou si Tsahal occupait Rafah, les accords de Camp David signés en 1979 – l’Égypte devenant alors le premier pays arabe à signer un traité de paix avec l’État hébreu – seraient « suspendus ».
D’ailleurs, les experts militaires observent ces deux dernières semaines des mouvements de troupe sur le terrain, notamment l’envoi de 40 chars et véhicules blindés ainsi que des soldats à la frontière avec Gaza. Sachant que l’Égypte avait déjà érigé un mur de béton à la frontière, qui descend à six mètres sous terre et est surmonté d’une clôture en fil de fer.
Cette démonstration de force vise-t-elle à empêcher un déferlement humain sur ses frontières ou juste pour bomber le torse et montrer ses crocs aux forces de l’occupation israélienne ?