Les affaires sociales semblent se transformer en une priorité absolue pour le président et le gouvernement. La nomination d’un chargé du dossier des affaires sociales auprès de la présidence de la République la semaine dernière montre que le chantier est officiellement ouvert.
Le ministère a également lancé les grandes manœuvres. Les débats qui se sont déroulés à l’occasion de la discussion de son budget étaient parmi les plus marquants. Surtout avec la succession des annonces qui touchent directement le quotidien du Tunisien. Ainsi, les caisses sociales ont relancé l’octroi de crédits à grande échelle, les plafonds de remboursement par la CNAM ont été revus à la hausse. De même qu’une amnistie sociale a été promulguée et les équilibres financiers des caisses sont désormais un sujet brûlant.
La CADES
Selon le budget du ministère, qui a présenté les principaux axes de son travail pour la période 2024-2026, la création d’une nouvelle entité, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, serait parmi les pistes envisageables. Cette caisse existe en France, sous l’acronyme de la CADES. Et elle a apporté une solution aux déficits engendrés par le système de retraite dans l’Hexagone.
La CADES est née en 1996. Elle est chargée de contribuer aux efforts de rééquilibrage des comptes de la Sécurité sociale, en finançant sa dette cumulée. La stratégie de financement de la CADES doit permettre d’assurer un accès constant à la liquidité dans les meilleures conditions de coût possibles. Elle est basée sur l’émission de titres de créances sur les marchés de capitaux. Les financements obligataires à long terme se caractérisent par une grande flexibilité dans l’utilisation d’une large variété de produits et de maturités. Cette souplesse permet de s’adapter aux besoins des investisseurs et de ne pas introduire de perturbation sur les marchés locaux.
Outre ces sources principales de financement de marché, la CADES dispose de facilités bancaires lui permettant d’ajuster sa trésorerie ou de faire face à d’éventuels incidents de paiement. Ces lignes de crédits sont également des instruments stratégiques dans la mesure où elles offrent la possibilité de différer le recours aux marchés financiers si ces derniers n’offrent pas de conditions satisfaisantes.
La loi l’autorise également à procéder à des opérations de marché à terme, à mener des opérations de change, à conclure des contrats d’échange ou d’options de taux d’intérêt et à procéder à des opérations de pensions sur titres d’Etat ou sur les titres qu’elle a émis. L’utilisation de tous ces outils assure la liaison entre la stratégie de financement, le pilotage de la structure de la dette et la gestion des conditions de marché.
Une opportunité pour le marché
Avec un tel projet stratégique, nous comprenons les vraies idées sous-jacentes à la transformation des caisses sociales en établissements financiers.
Si la Tunisie lance sa CADES, c’est que nous allons avoir un nouvel acteur public de premier rang, doté de la même qualité de signature que l’Etat tunisien. Il pourra dynamiser le marché financier en émettant des obligations à long termes. Ce qui manque actuellement. Le titre de créance le plus long a une maturité de dix ans. Dans le cas des caisses sociales, qui sont in fine des assureurs Vie, elles ont la capacité de s’endetter sur 20 ans et plus. Ce qui va améliorer la profondeur et l’offre sur le marché de la dette locale.
De plus, il pourra exploiter une niche vierge jusque-là. Elle pourra être la première entité en Tunisie à lancer des obligations sociales. Les obligations GSS disposent d’un cadre réglementaire défini. Elles servent à financer les projets ayant une dimension environnementale ou sociale, ce qui est le cas ici. Elles servent exclusivement à financer ou à refinancer, en tout ou partie, des projets ayant un impact social positif, nouveaux ou existants.
Une fois la crédibilité de cette nouvelle institution bâtie, elle pourra même se lancer sur le marché financier international. Néanmoins, cela signifie l’amélioration de la situation macroéconomique du pays. Car cela passe par un processus de notation par une agence de rating internationale.
Il faut aussi prendre en considération le fait que les souscripteurs potentiels ne sont autres que les banques et les compagnies d’assurances. Leur exposition aux risques souverains va donc exploser au vrai sens du terme. Elargir la base des investisseurs potentiels, par des mécanismes d’encouragements (déduction de l’IRPP à titre d’exemple) ou par une ouverture aux étrangers est une condition sine qua non pour la réussite de cette nouvelle caisse.
Les techniciens du ministère sont en train de penser à trouver une solution définitive pour combler les déficits qui vont s’accentuer dans les années à venir. Le nombre de pensionnés va monter en flèche en dépit de l’augmentation de l’âge de départ à la retraite. Nous trouvons que c’est une excellente idée qui va imposer une plus grande rigueur dans la gestion des milliards de dinars de cotisations encaissées chaque année par la CNSS et la CNRPS.