Nous croyons avoir connaissance de la réalité tunisienne, mais en fait, la manipulation de l’opinion publique a atteint son point culminant, notamment durant la transition. La désinformation n’est pas nouvelle. Zoom sur un mal-être collectif.
Partout, la confrontation entre progressistes et conservateurs est intense. En Tunisie, bien que la ligne de fracture soit claire, elle évite pour l’instant les excès verbaux et les déclarations ambiguës des « experts en économie » qui accaparent les ondes, fausses ou mensongères, comme celles fréquemment entendues récemment. Par exemple, un éminent « expert » affirmait récemment à tort que la Tunisie traverse une crise de « déflation » (l’inverse de l’inflation, vous pouvez le vérifier), à ne pas confondre avec « stagflation » (stagnation de l’activité économique, montée du chômage ET forte inflation). Les partisans de l’austérité mettent en avant la réduction immédiate de la dette et des dépenses publiques, plaçant ainsi la santé économique avant l’emploi. Leurs théories ont été discréditées pour des erreurs de calcul. Même le FMI, dont ils se réclament, a admis avoir sous-estimé les effets néfastes de l’austérité dans bon nombre de pays. En réalité, cette obsession de la dette sert à renforcer le contrôle du capital sur nos sociétés, comme l’avait prévu Marx.
A l’appui de ce qui précède, Kalecki (un économiste) avait également souligné la ferme opposition du monde des affaires à toute intervention étatique, même en période de récession, car elle menaçait le climat de confiance nécessaire aux investissements.
Or, l’économie tunisienne est confrontée à une crise remarquable, résultant des choix effectués lors de la transition, en particulier dans le domaine économique. La transition politique a relégué l’entreprise à une position marginale dans le processus de développement, alors qu’elle est pourtant l’acteur clé de l’investissement, de l’emploi, de la production et de la distribution des revenus aux salariés et à l’État.
Ces choix ont entraîné une perte de compétitivité pour l’entreprise tunisienne, affaiblissant sa position sur le marché local et la marginalisant sur les marchés extérieurs, notamment celui de l’Union européenne. Ce parcours de transition, marqué par des ajustements structurels et une répression financière, a abouti à la marginalisation de la Tunisie dans les partenariats de libre-échange, tant avec l’UE qu’avec l’Afrique, indépendamment des considérations géographiques et historiques.
Une entreprise inefficace est source de destruction de richesse et de mal-être social. Son développement contribue à aggraver le mal-être collectif. Pour y remédier, plusieurs points doivent être relevés :
Premièrement, les entreprises tunisiennes ont besoin d’équipements modernes et technologiquement avancés à des prix compétitifs. Pour cela, un système financier efficient, soutenu par des capacités de financement et d’endettement solides, est nécessaire.
Deuxièmement, les investisseurs tunisiens et étrangers ont besoin d’un environnement des affaires transparent et stable, que les autorités publiques devraient s’efforcer de mettre en place. Après des décennies d’économie dirigée et d’ajustements structurels inachevés, cette transition vers un environnement favorable aux affaires relève d’une logique pragmatique qui s’intègre dans une économie sociale de marché en cours de rétablissement.
Troisièmement, les entreprises tunisiennes ont besoin d’une visibilité à moyen terme pour optimiser leurs ressources et leur production. Elles nécessitent une information économique et financière complète pour planifier efficacement leur production, leurs investissements et leurs besoins en main-d’œuvre. Cette information doit être fournie par des institutions publiques compétentes et des institutions privées, avec une diversité d’analyses pour permettre aux entreprises d’adopter la meilleure stratégie possible.
Face à une concurrence de plus en plus féroce et à une crise économique mondiale exacerbée par une pandémie, l’entreprise tunisienne doit trouver des moyens de contourner les chocs financiers et réels internes et externes pour préserver sa position sur les marchés local et étranger, et profiter de la reprise anticipée, en particulier en Afrique.
La clé du développement réside dans une politique de relance basée sur l’enracinement de la culture du travail, de l’innovation et de l’entrepreneuriat, soutenue par une cohésion sociale solide.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Prof Associé à l’IHET,
Institut des Hautes Etudes-Tunis,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)