Les dirigeants européens devraient discuter de l’utilisation des bénéfices des avoirs russes gelés pour soutenir l’Ukraine dans ses efforts de défense contre Moscou selon la présidente de la Commission européenne. L’idée est d’entamer une conversation sur l’utilisation des bénéfices exceptionnels des avoirs russes gelés pour acheter des équipements militaires pour l’Ukraine.
L’Union européenne et les pays du G7 ont gelé, à ce jour, environ 300 milliards d’euros d’actifs de la Banque centrale russe. Il s’agit de 207 milliards de dollars d’actifs en euros, 67 milliards de dollars d’actifs en dollars américains et 37 milliards de dollars d’actifs en livres sterling. Il y a aussi 36 milliards de yens japonais, 19 milliards de dollars canadiens, 6 milliards de dollars australiens et 1,8 milliard de dollars singapouriens. Ses avoirs en francs suisses s’élevaient à environ 1 milliard de dollars.
Arbitrage
La majorité de ces actifs est gérée par la Chambre de compensation belge “Euroclear“ qui a révélé qu’elle avait perçu 5,2 milliards d’euros d’intérêts sur les revenus générés par les actifs russes sanctionnés depuis qu’ils ont été gelés par les pays de l’UE et du G7 en 2022.
Ces actifs sont conservés temporairement et non saisis intégralement, avec la possibilité de les réaffecter. Des questions subsistent quant à la légalité d’une telle confiscation et d’une telle redistribution, ainsi que sur les procédures à suivre.
Pour sa part, la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a déclaré qu’il était important de trouver un moyen de débloquer la valeur des avoirs gelés pour soutenir Kiev. Elle compte se baser sur ce qu’elle a appelé de « solides arguments juridiques, économiques et moraux internationaux » pour passer le cap.
A cet égard, en 1992, le Conseil de sécurité des Nations unies avait autorisé une mesure similaire pour saisir les avoirs irakiens gelés et les réaffecter au dédommagement des victimes de l’invasion du Koweït par Bagdad.
En mars 2023, la Banque mondiale a estimé que 411 milliards de dollars seraient nécessaires pour la reconstruction et le redressement de l’Ukraine; les coûts ont probablement augmenté depuis.
L’Union européenne envisage depuis un certain temps d’utiliser les bénéfices des avoirs russes gelés pour soutenir l’Ukraine. Toutefois, il y a des craintes quant à la légalité de l’utilisation des avoirs gelés et aux retombées potentielles sur les marchés monétaires mondiaux. Le coût de l’insécurité, synonyme d’une victoire russe, est bien plus important que toutes les économies que les Occidentaux pourront faire aujourd’hui. C’est pourquoi il est temps d’agir.
La réplique russe
Au début de l’année, l’Union européenne a adopté une loi visant à garantir que les bénéfices exceptionnels provenant des avoirs gelés de la Banque centrale russe soient mis de côté. Ce qui a été largement considéré comme un premier pas vers une réaffectation potentielle des fonds. À la fin de 2023, le Kremlin a déclaré qu’il prendrait des mesures de rétorsion si Bruxelles utilisait les bénéfices des avoirs gelés pour soutenir l’Ukraine. Il confisquera les avoirs occidentaux encore en Russie, estimés à 288 milliards de dollars. Cela pourrait provoquer l’effondrement de l’Euroclear dont le sauvetage pourrait être très coûteux.
C’est pour cette raison que le Premier ministre belge, Alexander de Croo, a proposé une alternative : utiliser les actifs immobilisés comme garantie pour des obligations par lesquelles l’Occident pourrait lever des fonds pour l’Ukraine. Toutefois, les pays européens ne se montrent guère enthousiastes à son égard. Les dégâts de ce conflit sont loin d’être finis.