Le métier de chroniqueur a pris de l’ampleur après la révolution du 17 décembre 2010-14 janvier 2011 en Tunisie, à la faveur du climat de liberté qui s’est installé dans le pays. Avec les travers que l’on connaît et qui ont nui à la profession journalistique. Les chroniqueurs sont-ils cependant des journalistes?
Le paysage médiatique tunisien a-t-il besoin de chroniqueurs? De ces personnes qui peuplent notamment nos plateaux de radio et de télévision, omniprésentes, et touche-à-tout : de politique bien évidemment, mais aussi d’économie, de culture, de sport et jusqu’à la cuisine?
La question a été posée par le président du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), Zied Dabbar, au cours d’une journée de réflexion organisée, le 29 février 2024, par l’Institut de Presse et des Sciences de l’Information (IPSI) de Tunis. Laquelle a fait courir nombre d’enseignants, de journalistes et d’étudiants de cette institution universitaire. Avec pour objectif d’étudier le vécu d’une profession qui a pris de l’importance avec la révolution du 17 décembre 2010-14 janvier 2011, à la faveur du climat de liberté qui s’est installé dans le pays.
Une question qui cachait sans doute un certain mécontentement de la place et surtout du rôle joué par les chroniqueurs! Le président du SNJT a évoqué notamment “la genèse“, pour ainsi dire, des chroniqueurs venus défendre, au cours des premières heures de la révolution tunisienne, la réconciliation nationale pour « amnistier » les anciens responsables du régime (comprenez d’avant la révolution).
Jamel Zran, professeur à l’IPSI a parlé, dans cet ordre d’idées, de la tendance « Public Relations » qui marque la pratique des chroniqueurs se mobilisant souvent pour des parties qu’elles soient politiques ou économiques.
Jamel Zran, professeur à l’IPSI, a parlé, dans cet ordre d’idées, de la tendance « Public Relations» qui marque la pratique des chroniqueurs se mobilisant souvent pour des parties, qu’elles soient politiques ou économiques. Avec évidemment les partis pris que l’on connaît. Autant dire que parler d’objectivité ou encore de respect de la déontologie n’est pas le fort du moins de certains chroniqueurs.
En rapport étroit avec des agents de joueurs
Certains sont-ils du reste des journalistes? La question a été introduite concernant une frange de personnel des médias dont le statut est « opaque », a dit Mohamed Youssefi, rédacteur en chef du site d’investigation Alqatiba.
Ibrahim Boughanmi, journaliste et enseignant à l’IPSI, a souligné, sur la foi d’un travail de recherche en master sur les chroniqueurs, que 64 % des chroniqueurs qu’il a étudiés n’ont pas reçu de formation en journalisme et en communication. Et 35 % n’ont pas touché au journalisme avant d’entamer une carrière de chroniqueurs.
Edifiant, à ce stade, le témoignage d’Ouael Ounifi, adjoint du chef du département de langue arabe du site Alqatiba, qui a mené une enquête fouillée sur les chroniqueurs sportifs. En effet, il a démontré que certains sont en rapport étroit avec des agents de joueurs, lorsqu’ils ne le sont pas eux-mêmes. Comme s’ils venaient sur les plateaux pour faire la promotion de coaches ou de joueurs. C’est-à-dire pour leur dénicher « un contrat dans un club sportif ». Et encore plus fort, certains sont les « représentants » de clubs sportifs ou viennent pour « régler des comptes ».
« Quelquefois par des intrus »
Une vision des choses qui n’est pas partagée par Sarhane Chikaoui, journaliste au quotidien Achourouk, qui a clairement signifié s’inscrire en faux contre cette vision bien « négative ». Ainsi, il estime que nombre de journalistes assurant des chroniques ont « cumulé » assez d’expériences pour « ne pas tomber dans les travers » que l’on cite à leur endroit.
« On en a vu du reste de toutes les cultures : des représentants de la société civile, des hommes politiques et même des chanteurs populaires », ont fait remarquer nombre de présents.
Quoi qu’il en soit, il y a lieu- et c’est une recommandation de la journée de l’IPSI sur les chroniqueurs-, de repenser le métier tel qu’il est pratiqué. Il l’est « quelquefois par des intrus » qui nuisent à la profession. « On en a vu du reste de toutes les cultures : des représentants de la société civile, des hommes politiques et même des chanteurs populaires », ont fait remarquer nombre de présents. Et une réflexion parmi d’autres a été présentée par Mohamed Youssefi pour apporter des solutions : « Instaurer une sorte de code de conduite » pour « rationnaliser des pratiques dont on ne veut plus ».
Donc, affaire à suivre.