Lors de son intervention lors de la matinale de Mosaïque FM, lundi 4 mars 2024, Nizar Laâdhari, secrétaire général du Conseil national de l’Ordre des médecins, a abordé la question de la proposition de loi déposée à l’ARP concernant les médecins spécialistes affectés dans les régions et les sanctions proposées à l’encontre des jeunes médecins. Au cours de ses remarques, il a partagé des données préoccupantes sur la situation du secteur médical en Tunisie.
Il a souligné en particulier que, bien que l’idée d’octroyer des privilèges aux jeunes médecins en échange de leur affectation dans les régions souffrant d’un manque de médecins spécialistes puisse être soutenue par l’Ordre, elle ne constitue qu’une solution partielle et temporaire au problème.
Plus de médecins spécialistes dans dix ans
Nizar Laâdhari a souligné que d’ici dix ans, la Tunisie n’aurait plus de médecins spécialistes, citant les nombreuses arrestations visant les médecins et la violence dans les hôpitaux comme des facteurs aggravants du phénomène d’émigration touchant le secteur. Il a également noté que les jeunes décident unanimement de partir, laissant seuls les seniors travailler actuellement. En 2023, 1325 jeunes médecins ont quitté le pays et cette tendance se poursuit. La remarque la plus surprenante était que, contrairement à la France qui les accueille par concours, l’Allemagne les recrute sans exiger une spécialité, à condition qu’ils aient terminé leurs études. Auparavant, l’Allemagne exigeait également la maîtrise de la langue, mais ce n’est plus le cas. Désormais, les médecins ont le choix de leur spécialité, et ils sont recrutés avec un salaire de 8 000 euros. Enfin, il a souligné qu’il est difficile de parler de la présence des médecins spécialistes dans les régions aujourd’hui, insistant sur la nécessité d’être réaliste.
De la prévention avant toute chose
Le médecin souligne que même dans les pays les plus développés, tels que le Canada, l’Allemagne et la France, cet objectif n’a pas pu être atteint. Il explique que ces pays ont orienté leur stratégie vers la prévention des maladies plutôt que vers les soins. Cette approche a permis de réduire l’incidence des maladies, soulageant ainsi la pression sur les spécialistes de la santé et permettant d’économiser des ressources tout en améliorant la santé des citoyens. Malheureusement, il constate que certaines politiques de santé persistent à privilégier le traitement des maladies plutôt que leur prévention. Il déplore notamment le fait que, faute de programmes de dépistage réguliers comme ceux offerts gratuitement au Canada, on en arrive à traiter dix cas d’infarctus dans les services d’urgence. Il estime donc nécessaire de revoir entièrement la politique de santé, car celle-ci contribue uniquement à surcharger les médecins.
Les chiffres sont têtus
Sur un ton alarmiste, il regrette que le nombre de départs dépasse de loin le nombre des médecins diplômés par promotion. Il a été noté en effet qu’entre 800 et 900 jeunes médecins diplômés chaque année, l’équivalent de près de deux promotions, choisissent de quitter le pays annuellement.