Malgré les atouts et le potentiel humain, infrastructurel et écologique qu’elle possède, la Tunisie doit encore parcourir un long chemin pour exceller et réaliser des avancées significatives dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA). C’est ce qu’il ressort du panel intitulé « La Tunisie face aux enjeux de l’intelligence artificielle et des technologies émergentes ». Il s’est tenu dans le cadre de la troisième journée des Journées de réflexion sur le « Positionnement stratégique de la Tunisie », du 5 au 7 mars 2024.
Comme son nom l’indique, le panel a examiné la situation de la Tunisie face à l’IA, soulignant tout ce qu’elle peut gagner en préparant un terrain propice à son développement. Modéré par Ahmed Friaa, universitaire et ancien Ministre de l’Équipement et de l’Habitat, ainsi que des Communications et des Technologies de la Communication, le panel a attiré l’attention sur plusieurs points cruciaux.
Lors de son intervention, le Colonel Major Moncer Amri a souligné que les technologies ont facilité le mode de vie et la généralisation d’Internet, initialement destiné aux spécialistes mais ayant contribué à la diffusion du savoir. Cependant, il a également averti que le cyberespace n’est pas sans risques, le qualifiant de théâtre de confrontations, voire de guerres déloyales, où le terrorisme et la criminalité trouvent leur expression. Il a rappelé que, tout comme les espaces maritimes, spatiaux et terrestres, le cyberespace efface les frontières entre le réel et le virtuel. Pour lui, l’intelligence artificielle est une imitation de l’intelligence humaine, dont les prémices remontent aux travaux du mathématicien Alan Mathison Turing (1912-1945). Il a souligné que, grâce à la technologie, les pays cherchent à étendre leur suprématie.
Revenant sur la vision de la Tunisie, il a rappelé que le pays dispose d’une stratégie nationale en matière d’intelligence artificielle, établie en février 2022. Cette stratégie vise à exploiter le potentiel des données ouvertes et à définir des projets numériques dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’environnement. Cependant, il a identifié un certain nombre d’obstacles entravant le pays, notamment la résistance au changement numérique, les barrières techniques, administratives et légales, ainsi que des lois numériques encore peu opérationnelles et sujettes à interprétation. Il a également mentionné la lenteur de la digitalisation du gouvernement et de l’administration publique. La Tunisie est donc appelée à relever plusieurs défis pour évoluer dans le domaine de l’intelligence artificielle, notamment la migration et la fuite des compétences, la bureaucratie, la prise de conscience de l’importance de la cybersécurité et de la cyberdéfense, ainsi que la souveraineté numérique, y compris la création de centres de données et de calculs nationaux.
Salah Hannachi, universitaire et ancien Ambassadeur, a mis en valeur l’importance des partenariats et de la recherche avec d’autres pays. Il a cité l’exemple du Japon et plaidé pour une meilleure communication entre le secteur privé, les centres de recherche et le milieu universitaire, ainsi que pour l’application des résultats des recherches scientifiques.
De son côté, Khaled Guedira, Universitaire et Président d’Honneur et Fondateur de l’Association Tunisienne d’Intelligence Artificielle, a mis l’accent sur l’éthique de l’utilisation de l’IA. En affirmant qu’elle doit être au service de l’humain pour l’aider dans ses décisions et le soulager des tâches répétitives.
Revenant sur le cas de la Tunisie, il a noté qu’elle existe dans le domaine de l’IA mais n’est pas valorisée à sa juste mesure. Il a pointé du doigt les processus administratifs complexes, les réglementations obsolètes et les lourdeurs bureaucratiques. Recommandant ainsi la création d’un centre national de recherche et d’innovation en IA et un climat propice pour réduire la fuite des compétences.