En se retirant de la course après la victoire écrasante de Donald Trump aux primaires républicaines, Nikki Halley espère représenter une alternative en cas de condamnation du milliardaire en pleine campagne. A moins qu’elle se projette en 2028 comme candidate du Parti républicain post-Trump.
En apparence, Nikki Haley, 52 ans, arrête les frais, mais n’a pas dit son dernier mot.
En effet, dans un discours d’à peine quatre minutes, mercredi 6 mars 2024, l’ancienne ambassadrice américaine à l’ONU confirma qu’elle se retirait des primaires républicaines pour la présidentielle de novembre ; déclarant « n’avoir aucun regret » et que, désormais, rien ne l’empêchera « de parler des choses auxquelles elle croit ». Toutefois, elle s’est bien gardée d’apporter un soutien franc à la candidature de Donald Trump.
Pourquoi avoir jeté l’éponge après avoir bataillé jusqu’au bout ? C’est que – lors du Super Tuesday qui a eu lieu le 5 mars, une étape cruciale de la campagne pour l’élection présidentielle américaine, qui a lieu tous les quatre ans et durant lequel des primaires, républicaines comme démocrates, sont organisées dans un grand nombre d’États le même jour – l’ancienne gouverneure de Caroline du Sud n’a pu remporter qu’une seule victoire, dans le Vermont, un État qui ne lui offrait que quatre délégués. Auparavant, elle avait gagné à Washington DC.
Résultats décevants car elle n’a obtenu que 89 délégués, contre 995 pour Trump, qui est donc tout proche du nombre requis (1 215) pour obtenir l’adoubement lors de la convention républicaine de juillet.
Du bout des lèvres
Ainsi, tout en félicitant celui qui la traita tout au long de sa campagne de « cervelle d’oiseau » et de « mauvais choix pour le Parti républicain et pour notre pays », elle s’est bien gardée de lui donner franchement sa bénédiction car, selon ses dires, « il doit mériter son vote et celui de ses supporters ».
« C’est à Donald Trump de gagner les votes de ceux qui, dans notre parti et en dehors, ne l’ont pas soutenu. J’espère qu’il y parviendra. La politique consiste à rallier les gens à votre cause, et non à les repousser. Et notre cause conservatrice a besoin de plus de gens. C’est à lui de choisir ». Un soutien de bout des lèvres qui ressemble plus à un avertissement !
Il faut dire que le contentieux entre Donald Trump et l’ex-ambassadrice à l’Onu ne date pas d’aujourd’hui. Avant son élection surprise en 2016 face à la super favorite démocrate Hilary Clinton, Nikki Haley a tout fait pour bloquer le chemin de Trump, appuyant tour à tour Marco Rubio et Ted Cruz. Avant de devenir une proche collaboratrice de l’homme qu’elle avait pourtant décrit comme « tout ce qu’on enseigne à nos enfants à la maternelle à ne pas être ».
Trois scénarii
« Le temps est venu de suspendre ma campagne », a-t-elle déclaré en choisissant soigneusement un mot équivoque à double sens : car “to suspend“ signifie interrompre, cesser, mais aussi reporter à plus tard. En attendant le moment propice.
S’agit-il d’une manœuvre tactique ? Selon les observateurs politiques outre-Atlantique, en mettant sa campagne en sourdine, elle se met de facto « en réserve » de l’Old Parti. Au cas où Donald Trump serait écarté de la course présidentielle par ses nombreuses casseroles judiciaires. Un premier scénario qui n’est pas aussi fantaisiste que cela paraisse.
En effet, le premier procès du magnat de l’immobilier débute dans un mois jour pour jour à New York, avant une série de rendez-vous judiciaires prévus dans la capitale Washington et en Floride, ce qui rend l’hypothèse, selon laquelle il pourrait être condamné avant la présidentielle de novembre, de plus en plus crédible. Or, nombre de sondages montrent que le soutien à la candidature de l’ancien président s’effriterait considérablement s’il venait à être reconnu coupable dans un de ses procès.
Deuxième scénario : un pépin de santé, Trump fêtera ses 78 ans en juin prochain.
Troisième scénario : se présenter comme candidate indépendante sur le bulletin de vote, d’autant plus que les sondages indiquent qu’elle a de meilleures chances que Donald Trump de remporter l’élection contre Joe Biden l’automne prochain.
Le choix est risqué mais pas totalement exclu. Car, en se présentant devant les électeurs comme un électron libre, elle pourrait siphonner une partie de votes républicains, faisant ainsi le lit du démocrate président Joe Biden, candidat à sa propre élection. Mais, elle sera forcement traitée de traitre par son propre camp et compromettra ainsi ses ambitions présidentielles à la prochaine course à la Maison Blanche en 2028.
Ambition
Reste la question de savoir si Donald Trump va lui proposer le poste de vice-présidente pour gagner la voix de ses électeurs ? C’est possible en dépit de l’animosité profonde entre les deux candidats républicains. Ces derniers mois, Nikki Haley a accru ses critiques le traitant de « menteur » et mettant en doute sa santé mentale. Lui, il l’a surnommée « cervelle d’oiseau » et n’a cessé de rappeler perfidement ses origines indiennes en l’appelant par son prénom Nimarata. Une manière de sous-entendre qu’elle était inéligible puisque non Américaine.
Réponse sèche de l’intéressée : « je ne serais la vice-présidente de personne ». Trop peu pour cette femme politique qui rêve de devenir en 2028 la première femme locataire de la Maison Blanche. Et une femme de couleur issue de l’immigration ; excusez du peu.