La visite d’État du président algérien, maintes fois reportée sur fond de chauds et froids récurrents entre Paris et Alger, pourrait avoir lieu fin septembre ou début octobre. Soit quelques semaines avant le scrutin présidentiel prévu en Algérie, en décembre 2024. Cette visite d’Etat dans l’Hexagone aurait-elle des retombées positives sur le président Tebboune; et ce, dans le cas où il serait candidat à sa propre succession?
Rarement la visite d’un président algérien en France aura connu autant de reports et de tergiversations de part et d’autre. Reportée à deux reprises, à cause de brouilles diplomatiques et de tensions récurrentes entre Paris et Alger, la visite d’État que le président algérien Abdelmadjid Tebboune, 78 ans, devait initialement effectuer en mai 2023, aura probablement lieu l’automne prochain. Quelques semaines avant le scrutin présidentiel en Algérie, prévu en décembre 2024.
Ce qui fait grincer les dents dans les rangs de l’opposition algérienne qui soupçonne le chef de l’Etat de chercher la « caution » de la France. D’autant plus qu’il est plus que probable qu’il brigue un deuxième mandat.
Ainsi, à l’issue d’un entretien téléphonique entre Emmanuel Macron et son homologue algérien, l’Elysée a annoncé lundi 11 mars que cette visite d’Etat aura lieu « fin septembre, début octobre », « à une date à préciser » durant cette période.
Le communiqué précise également que les deux présidents ont évoqué « l’approfondissement du partenariat renouvelé entre la France et l’Algérie dans la suite de la déclaration d’Alger d’août 2022. Notamment sur le plan économique, énergétique, agricole, éducatif et culturel, ainsi qu’en matière de mobilités et d’échanges humains ».
Reports à répétition
En effet, la première visite programmée initialement du 2 au 3 mai 2023 a été repoussée à juin de la même année. Alger appréhendait que les manifestations massives du 1er Mai contre la très contestée réforme des retraites en France ne gâchent les retrouvailles franco-algériennes.
Pourtant, le séjour parisien de M. Tebboune sous les ors de la République était soigneusement préparé. Au menu : parade aux Invalides, déjeuner de travail avec Emmanuel Macron, dîner d’État à l’Élysée avec des personnalités françaises et algériennes, visite à la Grande Mosquée de Paris. Cerise sur le gâteau : le voyage devait se conclure par une séquence mémorielle au château d’Amboise pour rendre hommage à l’émir Abdelkader, qui y a été détenu avec sa famille et sa suite de 1848 à 1852.
Blocages
La visite fut reportée une seconde fois à la demande d’Alger. « Nous ne sommes pas tombés d’accord sur le programme de cette visite. Une visite d’État a des conditions et doit déboucher sur des résultats. Ce n’est pas une visite touristique », a ironisé le président algérien le samedi 5 août, quelques semaines après ses visites en Russie et en Chine.
C’est que, pour les autorités algériennes, trois dossiers devaient être réglés au préalable pour qu’une visite d’Etat soit couronnée de succès.
Primo : la mémoire collective. La question de la colonisation française entre 1830 et 1962 pèse encore très lourd entre les deux pays. En causant des blessures entre les deux rives de la Méditerranée, qui plus de 60 ans après l’indépendance de l’Algérie, ne sont pas encore totalement refermées.
A titre d’exemple, les autorités françaises refusent de restituer le caftan et le sabre de l’émir Abdelkader, au motif que cette restitution est tributaire de l’adoption par le législateur français d’une loi cadre autorisant le retour à leurs pays d’origine de biens culturels spoliés. Faute de promulgation, les objets appartenant à l’émir Abdelkader devraient donc rester en France.
Faut-il rappeler à ce propos qu’Alger décida en octobre 2021 de rappeler immédiatement son ambassadeur à Paris suite un article du Monde où le président français Emmanuel Macron aurait estimé que l’Algérie s’est construite sur « une rente mémorielle », entretenue par « le système politico-militaire » ?
Secundo : La délivrance des visas aux ressortissants algériens au compte-gouttes selon les humeurs de Paris. Au cours de l’année 2023, la France en a délivré 209 723, contre 131 264 en 2022.
Tertio : le dossier lourd et brûlant des essais nucléaires français dans le Sahara algérien et les indemnités réclamées pour les victimes algériennes.
L’ex- ministre des Affaires étrangères, Sabri Bukadoum, n’a-t-il pas affirmé à ce propos que les essais nucléaires effectués par la France dans la région de Reggane, dans le Sahara algérien, « équivalaient à 3-4 fois la bombe atomique larguée sur Hiroshima » ?
Pis. Les dommages environnementaux causés par les 17 essais nucléaires atmosphériques ou souterrains menés par la France en Algérie entre 1960 et 1966 et les effets négatifs des radiations sur la santé humaine, « sont toujours d’actualité ».
Sans oublier, selon l’estimation faite par l’agence de presse officielle algérienne APS en 2012, que ces essais nucléaires « ont rendu malades au moins 30 mille Algériens ». Ajoutant que des enfants de la région « naissent encore aujourd’hui handicapés, en raison de la pollution radioactive ».
A cette longue liste de brouilles diplomatiques, d’incompréhensions mutuelles et de ressentiments enfuis, s’ajoute la crise survenue entre Paris et Alger conséquemment à l’affaire Amira Bouraoui. A savoir : cette ressortissante franco-algérienne dont l’exfiltration de la Tunisie vers la France avait provoqué encore une fois le rappel temporaire de l’ambassadeur d’Algérie en France.
Après deux visites reportées, cette fois-ci sera-t-elle la bonne?