Le président du Parlement en Libye, Aguila Salah, a décidé d’appliquer une taxe de 27% sur les opérations de change du dinar contre le dollar jusqu’à la fin de 2024. Une mesure prise en solo qui risque d’enfoncer la population dans les difficultés économiques.
L’idée vient de la Banque centrale libyenne qui commence clairement à s’inquiéter quant au gap entre les flux in et out du billet vert.
Les conséquences d’une économique peu diversifiée
Actuellement, la parité de change est de 4,80 dinars libyens pour un dollar. Après cette décision, elle dépassera le seuil des 6 dinars pour un dollar. Les parlementaires ont vivement contesté cette loi, surtout qu’elle n’a fait l’objet d’aucun débat. Elle a tout simplement été promulguée par leur président. Une partie d’entre eux va faire appel en justice pour obtenir gain de cause.
Le problème fondamental de la Libye est son déséquilibre budgétaire croissant. Le pays n’a quasiment qu’une seule source de revenus : le pétrole. Le prix du baril a stagné ces derniers mois et les perspectives les plus prometteuses excluent l’hypothèse de le voir atteindre le seuil des 90 dollars. En même temps, il n’y a pas d’investissements étrangers, surtout que la situation sécuritaire et politique demeure fragile.
En parallèle, le citoyen libyen est habitué au confort et les dépenses du gouvernement ne cessent d’augmenter. Même sous les bombardements, la table d’un simple travailleur ne manque de rien. Voyager et dépenser des dollars sans limite est une pratique courante. Cette décision va limiter ces comportements, et elle les vise d’ailleurs.
La Tunisie, victime indirecte ?
Et comme le pays importe toutes les matières de base, le coût de la vie va faire un bond d’au moins 27%. Cela ne facilitera pas le processus de réconciliation et peut créer des perturbations sociales.
Pour la Tunisie, cette décision n’est pas dans son intérêt pour au moins trois raisons. La première est que la flambée des prix en Libye, contre la persistance des politique des subventions de notre côté, va renforcer les flux de contrebande de ces produits. Idem pour les médicaments. Il faudra encore veiller sur les frontières et les circuits de distribution.
La seconde est le coût que le pouvoir d’achat des libyens va recevoir. Pour rappel, 2,254 millions de Libyens ont visité la Tunisie en 2023 et constituent les premiers touristes. Ils assurent un taux d’occupation respectable dans les polycliniques et dans les hôtels. Ils sont les principaux clients de la location touristique clandestine et animent l’économie de toute la région allant de Ras Jedir jusqu’à Sfax. L’affaiblissement de cet afflux aura des répercussions directes sur l’économie du Sud tunisien.
La troisième est le marché libyen de travail qui accueille un bon nombre de tunisien et sur les entreprises tunisiennes installées dans ce pays. Il perdra son attractivité et il n’est pas exclu de voir un bon nombre retourner en Tunisie pour s’ajouter à la longue liste de chômeurs.
Ce qui se passe n’est autre qu’une concrétisation réelle de l’adage que la sécurité de la Libye est celui de la Tunisie.