Par Noura Harboub-Labidi / Les Banques centrales opèrent des arbitrages délicats, parfois même contradictoires, entre le maintien d’une monnaie stable, le soutien d’une croissance inclusive ou encore le financement du budget de l’Etat. Des décisions de politique monétaire cruciales qui peuvent impacter l’activité économique et le bienêtre de la population.
A l’ère de l’intelligence artificielle (IA), l’utilisation des nouvelles technologies s’accélère et touche tous les domaines, bousculant les agendas des autorités monétaires, qui doivent s’adapter pour rester efficaces dans un monde en plein essor numérique. Cette révolution numérique donne aux Banques centrales des outils modernes qui permettent aux décideurs une meilleure prise de décision. L’IA peut aujourd’hui analyser le climat des affaires à partir de revues de presse ou des médias sociaux ou étudier des données sur les prix des biens en temps réel. Des outils qui permettraient de prévoir des poussées inflationnistes ou d’offrir aux autorités monétaires des informations précieuses permettant un meilleur calibrage des politiques monétaires. Des interventions plus ciblées et proactives pourraient soutenir la stabilité et générer une croissance plus inclusive.
A travers l’analyse d’une large base de données, cette technologie permettra d’améliorer les techniques d’identification des activités de blanchiment d’argent, aidant les banques à mieux se conformer aux exigences règlementaires. Elle permettra une meilleure évaluation du risque de crédit en analysant la solvabilité des emprunteurs et elle améliorera les moyens de détecter les risques liés à la liquidité et de protéger contre une ruée bancaire. Bref, cela améliorera l’identification des risques émergents et l’évaluation du degré de résilience du système financier. Le défi des Banques centrales est d’intégrer efficacement ces nouveaux outils d’analyse prédictive dans l’élaboration de la politique monétaire, de manière à ce qu’ils améliorent les systèmes existants.
Malgré les vertus attribuées à l’IA, des craintes pèsent toujours, surtout du côté des cyber-attaques. Et des inquiétudes demeurent sur l’utilisation responsable de l’IA dans sa prise en compte de la transition écologique ou encore dans la protection des données et des considérations d’ordre éthique. En Tunisie, implémenter la culture de l’IA n’est pas une tâche facile. Comment la Banque centrale peut-elle prendre le train du numérique quand son indépendance est constamment diabolisée ? La révolution de l’IA ne risque-t-elle pas de creuser davantage la fracture numérique, surtout pour une économie où l’investissement est en berne et où les compétences sont dans le
starting-block de l’exil ?
Cette chronique est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n 890 du 13 au 27 mars 2024