Beaucoup d’eau a coulé sous le pont des indépendances. Mondialisation et « droit d’ingérence » sont venus entacher la souveraineté des Etats. La Tunisie tient bon, considérant la souveraineté comme « une ligne rouge ».
20 mars 1956-20 mars 2024 : voilà soixante-huit ans que Tahar Ben Ammar, Premier ministre de Lamine Bey, signait avec Christian Pineau, le ministre français des Affaires étrangères, le protocole officialisant l’indépendance de la Tunisie abrogeant le Traité du Protectorat du Bardo, conclu le 12 mai 1881 (notre photo). Une indépendance chèrement acquise après soixante-quinze années de protectorat français. Une indépendance qui sera raffermie par d’autres événements. Notamment la création de la Banque centrale de Tunisie (BCT), en 1958, avec l’adoption du dinar comme devise nationale, l’évacuation de la base de Bizerte par les soldats français, en 1963, et la nationalisation des terres détenues par les étrangers, en 1964.
Autant d’attributs de la souveraineté nationale. Sans doute ce à quoi toute nation tient le plus : exercer son autorité sur son sol national. Cependant, ce concept de souveraineté a beaucoup évolué à travers les âges et notamment depuis la fin des années soixante-dix. Une réalité qui ne concerne pas évidemment la seule Tunisie, créant souvent des débats souvent houleux et quasiment à couteaux tirés. Tant des évolutions sont venues jusqu’à écorcher des bases fondamentales. Dont celles créées par les Accords de Westphalie, en 1846, qui ont mis fin à trente ans de guerre qui ont déchiré l’Europe. Des accords qui ont admis l’existence d’Etats « souverains et égaux en droit et participant par conséquent d’une stabilisation de l’ordre international après une époque de troubles ».
Des transformations apparues sur le plan international après les années soixante-dix sont venues chambouler un vécu qui agace les nations. Responsable notamment cette nouvelle réalité qui limite la souveraineté des Etats : la mondialisation. Qui a conduit à des regroupements régionaux comme celui de l’Union européenne (UE). On a vu ainsi, depuis la mise en place de politique européenne dans de nombreux domaines, des acteurs politiques nationaux européens se plaindre de « la mainmise des fonctionnaires de Bruxelles », siège de la Commission européenne, le gouvernement de l’UE, qui choisissent pour les Etats européens ce qu’ils doivent faire.
Des accords qui ont admis l’existence d’Etats « souverains et égaux en droit et participant par conséquent d’une stabilisation de l’ordre international après une époque de troubles ».
« Des motivations politiques »
Autre sans doute travers de cette baisse de la souveraineté, le « fameux droit d’ingérence » que certains défendent notamment parmi les ONG, mais pas seulement, et qui désigne « la possibilité pour des acteurs d’intervenir dans un État, même sans son consentement ». Evidemment beaucoup d’Etats voient derrière ce concept « des motivations politiques ». Alors que d’autres insistent pour dire qu’il n’est pas possible de laisser faire les Etats dans un monde où l’« indépendance » existe bel et bien comme sur les questions des droits de l’Homme ou celui du climat.
On l’aura compris, l’indépendance des nations fait débat. Et si beaucoup ne refusent pas le débat sur des questions d’intérêt commun, ils n’acceptent pas que l’on s’immisce dans les choix nationaux et que l’on puisse venir leur imposer ce qu’ils doivent ou ne doivent pas faire. Car, la souveraineté, comme l’a indiqué, plus d’une fois le président Saïed, est « une ligne rouge » (notre photo).