La récession[1] se définit comme une période durant laquelle la production, les revenus et les dépenses se situent en deçà de leur niveau habituel, voire de leur potentiel.
Or, étant donné que la croissance de la production et du revenu dépend fondamentalement de la progression des dépenses, il est impératif de trouver des agents prêts à investir…
L’impulsion ne pourrait provenir des ménages, dont la plupart sont affectés par la baisse de leur pouvoir d’achat et/ou par des dettes difficiles à rembourser. Il serait donc souhaitable que les entreprises prennent le relais en investissant, mais un contexte économique morose n’encourage jamais une augmentation des dépenses de leur part.
Aussi, les Pouvoirs Publics devraient donc apprendre à composer avec la récession et l’accepter puisque ce sont tous les partenaires sociaux qui l’ont provoquée et entretenue.
La restriction des dépenses et l’austérité sont souvent présentées comme des remèdes à cette situation économique difficile. Les gouvernants se doivent ainsi de réduire leurs dépenses et leurs emprunts pour assurer une croissance saine tout en préservant la richesse des générations futures.
Certes, les dépenses publiques sont certainement trop élevées. Certes, le gaspillage irresponsable et généralisé des ressources doit être stoppé ou maîtrisé pour permettre une réduction significative et efficace de la fiscalité.
Cependant, rien de tout cela ne parviendra à briser le cercle vicieux de la récession et ses effets pervers ; réduire les dépenses publiques ne favorisera pas directement le facteur crucial qu’est la demande globale.
L’amélioration de la situation financière des ménages dépendra inévitablement d’une augmentation de leurs revenus et/ou d’une réduction de leurs dépenses. Pour autant, les problèmes auxquels ils sont confrontés individuellement, diffèrent de ceux que l’ensemble de la société doit résoudre.
En effet, pour la société, la demande globale équivaut précisément à la dépense globale, de sorte que si un ménage réduit ses dépenses pour améliorer sa propre situation financière, le revenu total de la société diminuera du fait de la décision individuelle de dépenser moins. C’est arithmétique.
De même, si un autre ménage souhaite augmenter ses dépenses sans accroître ses emprunts, il devrait puiser dans ses économies. Par conséquent, la logique est implacable : si la consommation de la société doit augmenter sans aggraver ses dettes, c’est l’épargne qui devra être mobilisée, et il serait contre-productif de plaider en faveur d’une augmentation de l’épargne.
Certes, en Tunisie, l’économie transitionnelle devrait être basée sur des principes sains tels que l’épargne, mais actuellement, l’épargne oisive via l’austérité, entrave la résolution du problème immédiat en freinant l’augmentation de la demande globale réelle dans l’économie. Keynes avait bien identifié ce paradoxe de l’austérité : promouvoir l’épargne « oisive » dans une économie déprimée, ne fera qu’aggraver la récession…
Les défis de la société en transition ne sont donc pas les mêmes que les défis personnels.
De même que les mesures visant à assainir et à consolider l’économie à long terme diffèrent des actions à entreprendre aujourd’hui, pour éviter que la récession ne se transforme en dépression…
En réalité, certaines décisions censées améliorer les conditions de vie à long terme ne font que les détériorer aujourd’hui !
Tous les efforts devraient donc être concentrés intelligemment (effet Mozart) sur la stimulation de la demande globale (effet Keynes), et dans cette optique, les Pouvoirs Publics devraient être fortement sollicités et augmenter leur endettement pour favoriser non seulement la demande et la consommation, mais aussi pour l’investissement privé porteur d’emploi…
Ces deux moteurs de la demande (consommation privée et investissement public) – et de la croissance – seront ensuite remplacés par les exportations et par les investissements des entreprises, ce qui permettra aux Pouvoirs Publics de réduire leur endettement grâce à une diminution de leurs dépenses combinée à une augmentation des recettes fiscales stimulée par la croissance.
À ce stade, les incitations fiscales et autres plans de relance ne seront qu’un lointain souvenir.
* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)
L’effet Mozart rend un individu plus intelligent. Des études montrent que l’écoute de la musique classique améliore la capacité de se concentrer sur l’apprentissage, de résoudre des problèmes et d’améliorer le QI. (Source : https://www.youtube.com/watch?v=SWZvus6-6Yo )
[1] https://www.bct.gov.tn/bct/siteprod/index.jsp