Personne ne peut nier que l’intervention de l’Etat sur le marché financier local réduit, de facto, l’accès des autres agents économiques au financement bancaire. Même les fonds d’investissement, qui constatent l’augmentation des risques, préfèrent placer dans les obligations souveraines ou exigent des primes de risques très élevées pour les opérations de haut de bilan. La Banque centrale, qui dispose du tableau de bord économique le plus complet, a attiré l’attention à ce problème à maintes reprises, aussi bien dans son rapport annuel que dans ses communiqués de presse mensuels.
Ces créanciers locaux sont de plus en plus exigeants côté taux. Le Trésor public est supposé être un emprunteur zéro risque, mais ce seuil est assez élevé. Les banques, les assurances et les organismes de placements collectifs obligataires doivent rémunérer des actionnaires qui, eux aussi, exigent un rendement qui est au moins égal à l’inflation.
In fine, le souverain paie de plus en plus cher le coût de sa politique. Fin décembre 2023, le taux moyen pondéré des adjudications de bons de trésor non encore échus (toutes échéances confondues) a atteint un nouveau sommet à 8,705 %. Une année auparavant, ce taux était de 8,157 %. Par maturité, celle à six ans est toujours la plus onéreuse, avec un taux moyen de 9,517 %. Aucune maturité n’affiche un taux moyen inférieur à 8,000 %, exception faite de celle sur 11 ans (6,693 %).
A titre de comparaison, en décembre 2010, la moyenne globale était à 6,216 %. Une différence qui peut paraître soutenable à première vue, mais comment penser l’appliquer sur le volume. L’encours des Bons de Trésor est passé de 5 848 MTND en 2010 à environ 26 943 en décembre 2023. Dans la loi de finances rectificative 2023, l’intérêt de la dette interne, y compris les obligations nationales, s’est élevé à 2 206 MTND.
Ce qui allège ce coût effectif supporté par l’Etat ce sont les encaissements générés plus tard. Les banques et les assureurs, qui détiennent l’essentiel de ces titres, vont dégager plus de bénéfices et donc payer plus d’impôts, surtout que ce dernier a été révisé à la hausse. Il y a aussi une retenue à la source de 20 % sur ces revenus d’intérêts. De sa part, la BCT, qui refinance davantage les établissements de crédits, va réaliser plus de bénéfices et verser plus de dividendes. Ce n’est pas un jeu parfaitement à somme nulle, mais il permet à tous les participants de sortir gagnants, pour le moment.