L’opposition entre les partisans du néolibéralisme prend une tournure surprenante lorsqu’elle oppose la politique de l’offre à celle de la demande, en se focalisant sur le déficit budgétaire.
L’analyse des faits économiques suggère que sous l’ère de Ronald Reagan (Il est le 40ᵉ président des États-Unis, en fonction du 20 janvier 1981 au 20 janvier 1989.), souvent cité comme un champion du néolibéralisme, le déficit budgétaire n’a jamais atteint de tels sommets.
Margaret Thatcher (Première ministre britannique pendant près de 12 ans, entre 1979 et 1990), dans une mesure similaire, a également pratiqué un néo-keynésianisme marqué, malgré des discours allant dans le sens opposé.
Ce constat suggère que la problématique de le véritable enjeu ne résidait pas tant dans l’ampleur du déficit budgétaire, mais dans son affectation, avec un questionnement :
– Quelles classes sociales, ou quelles fractions importantes de la société, en bénéficieraient ?
– Quels en seraient les résultats pour l’économie et la société dans leur ensemble ?
Les preuves empiriques abondent à ce sujet. La politique néo-keynésienne de Reagan et de Mme Thatcher, couplée aux impératifs monétaristes de stabilité monétaire à tout prix, a entraîné une offensive d’austérité brutale à travers le monde :
– Les dépenses sociales et d’infrastructure ont été réduites ;
– Les dépenses militaires ont augmenté aux États-Unis, au Royaume-Uni, ainsi que dans une moindre mesure, au Japon et en Allemagne ;
– Les subventions aux entreprises privées ont été accrues ;
Le chômage et les inégalités sociales ont été boostés, le nombre de chômeurs ayant été multiplié par plus de quatre dans les pays de l’OCDE au cours des deux dernières décennies.
Pour autant, les cours d’économie du développement enseignés dans les universités du monde entier soulignent à juste titre que les investissements les plus productifs à long terme se situent dans l’enseignement, la santé publique et l’infrastructure.
Cependant, les partisans du néolibéralisme oublient cette sagesse élémentaire lorsqu’ils abordent les questions de finances publiques en cherchant à rétablir un « équilibre » à tout prix.
Ils préfèrent réduire les dépenses dans l’enseignement, la santé publique, la sécurité sociale et les infrastructures, avec les effets pervers, connus à long terme, y compris sur la productivité. Mais cela ne signifie-t-il pas que les « socialistes » doivent toujours privilégier le keynésianisme traditionnel, qui conduit à diverses formes d’État-providence, par rapport au cocktail empoisonné d’un monétarisme orthodoxe et du néo-keynésianisme qui nous est servi encore actuellement ?
Si la réponse est positive, elle doit néanmoins être nuancée. Le keynésianisme traditionnel implique diverses formes d’exercice et de partage du pouvoir au sein de la société bourgeoise.
Cela conduit à des contrats sociaux différents et à un « consensus » avec les détenteurs du pouvoir économique, basé sur ce qui est acceptable pour ces derniers.
Cependant, ce « consensus » est unilatéral, allant à l’encontre d’une priorité essentielle : la défense des intérêts immédiats des travailleurs et des objectifs des nouveaux mouvements sociaux.
Une telle défense nécessite le maintien ou la reconquête, pour certains pays, d’une indépendance politique de la classe ouvrière en général. De plus, le keynésianisme traditionnel, en tant que solution de moindre mal par rapport à la politique de la déflation d’avant et de la stagflation actuelle, n’a de sens que s’il conduit à une réduction rapide et radicale du chômage.
Cependant, dans les conditions actuelles, le néo-keynésianisme qui occulte les effets de la déviance sociale et des déséquilibres structurels entraîne une augmentation du chômage et de la marginalisation de secteurs croissants de la population.
Il ne fait rien pour empêcher la réalisation du dessein néolibéral d’une société « duale », caractérisée par une division-défragmentation institutionnalisée des travailleurs, entraînant une dégradation et une démoralisation croissante d’une partie d’entre eux. Avec au bout, une dépolitisation et un désespoir, propice au développement des extrémismes « néo-fascistes ».
A suivre : ZOOM DE LA THEORIE MONÉTAIRE MODERNE AU CHARLATANISME MONÉTAIRE MODERNE (2/2).