Les Turcs ont porté, dimanche 31 mars 2024, le plus grand coup électoral au président Recep Tayyip Erdogan et à son parti AKP. Et ce, lors des municipales qui ont réaffirmé l’opposition en tant que force politique et ont renforcé le maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, comme principal rival du président.
Une fois la plupart des votes comptés, Imamoglu a mené par 10 points de pourcentage dans la course à la mairie d’Istanbul, la plus grande ville de Turquie. Tandis que son parti, le Parti républicain du peuple (CHP), a conservé Ankara et a remporté 15 autres sièges de maire dans des villes du pays. Il s’agit de la pire défaite d’Erdogan et de son parti (AKP) depuis plus de deux décennies au pouvoir. Et cela pourrait signaler un changement dans le paysage politique du pays. Erdogan a qualifié cela de « tournant » dans un discours prononcé après minuit.
Lui et l’AKP ont obtenu des résultats pires que ne le prévoyaient les sondages d’opinion. Et ce, en raison de la forte inflation, du mécontentement des électeurs islamistes et, à Istanbul, de l’attrait d’Imamoglu au-delà de la base laïque du CHP, selon les analystes.
« Ceux qui ne comprennent pas le message de la nation finiront par perdre », a déclaré Imamoglu, 53 ans, à des milliers de partisans en liesse. Certains d’entre eux scandant d’ailleurs la démission d’Erdogan.
Erdogan, qui dans les années 1990 était également maire de sa ville natale d’Istanbul, a mené une campagne acharnée avant les élections municipales. Lesquelles étaient décrites par les analystes comme un indicateur de son soutien et de la durabilité de l’opposition.
S’adressant aux foules rassemblées au siège de l’AKP à Ankara, la capitale, Erdogan a déclaré que son alliance avait « perdu de l’altitude » à travers le pays et qu’il prendrait des mesures pour répondre au message des électeurs.
« Si nous avons commis une erreur, nous la réparerons » dans les années à venir, a-t-il déclaré. « S’il nous manque quelque chose, nous le terminerons ».
Propos en décalé par rapport à ce qu’il avait annoncé pour la première fois, le 8 mars dernier à tf1info.fr, « la fin de son pouvoir à la tête de la Turquie » et que « les prochaines élections municipales du 31 mars seraient les “dernières” sous son mandat ».
Le maire Imamoglu est désormais l’ennemi par défaut d’Erdogan
Ailleurs, des milliers d’autres partisans avaient auparavant brandi des drapeaux turcs et ceux de leur parti lors d’un discours du maire réélu du CHP, Mansur Yavas, qui a battu son challenger de l’AKP, une nouvelle déception pour Erdogan.
Selon 92,92 % des bulletins dépouillés à Istanbul, la plus grande ville d’Europe et moteur économique du pays, Imamoglu avait obtenu 50,92 % de soutien, contre 40,05 % pour le challenger de l’AKP, Murat Kurum, ancien ministre du gouvernement national d’Erdogan.
Pourtant, des résultats officiels partiels rapportés par l’agence publique Anadolu montrent que l’AKP et son principal allié ont renoncé à leurs postes de maire dans 19 municipalités clés, dont les grandes villes de Bursa et Balikesir, dans le nord-ouest industrialisé, reflétant peut-être des tensions sur les salariés.
Mert Arslanalp, professeur adjoint de sciences politiques à l’université Bogazici d’Istanbul, a déclaré qu’il s’agissait de la « plus grave défaite électorale » d’Erdogan depuis son arrivée au pouvoir national en 2002.
« Imamoglu a démontré qu’il pouvait surmonter les profondes divisions sociopolitiques qui définissent l’électorat d’opposition turc; même sans son soutien institutionnel », a-t-il déclaré. « Cela fait de lui le rival politique le plus compétitif du régime d’Erdogan. »